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Il y aura lieu de rechercher dans nos conclusions générales les mesures et l’organisation capables de donner au Président d’assises la puissance acceptée de tous, qui est nécessaire à sa fonction.

Si le débat a été clair et calme, les jurés sont dans une condition meilleure pour délibérer, mais encore faut-il que les questions qu’on leur pose soient claires, et divisées de telle sorte que les jurés puissent répondre à toutes les idées qui y sont contenues. Ainsi, en matière de diffamation, nous nous rallions à un système qui a déjà fait l’objet d’une proposition de loi et qui consisterait à présenter au jury, au lieu de la question unique : « Le prévenu est-il coupable ? » deux questions distinctes. La première porterait sur le point de savoir si la preuve des imputations diffamatoires a été faite ; la seconde serait relative à la culpabilité du prévenu. Ainsi le juge aurait devant les yeux les deux aspects de la poursuite. Sans doute, dans nos mœurs et notre organisation actuelle, ce système pourrait avoir l’inconvénient de pousser les jurés à se dérober à leur tâche en accordant une satisfaction au plaignant et en acquittant le prévenu. Mais les progrès que nous souhaitons dans l’organisation des Cours d’Assises tendront à atténuer cet inconvénient, et il est d’ailleurs minium en comparaison du mal existant.

Le verdict étant ainsi préparé dans des conditions plus favorables, il faudra, par un remaniement dans les peines et dans les habitudes judiciaires, donner aux jurés le sentiment qu’ils font une œuvre efficace, et, pour y parvenir, orienter la répression vers les modes de réparations pécuniaires. Si les parties répugnent à demander des dommages-intérêts importans, que la loi donne l’exemple, en substituant à ses amendes de 100 à 3 000 francs, des amendes élevées dont le maximum pourra être porté à 25 000 ou 30 000 francs. Ces amendes, toujours garanties par la fortune des propriétaires, iront grossir, si l’on veut, la caisse d’une institution de prévoyance ou de retraite.

Si les magistrats ne veulent pas se résoudre à substituer de sérieuses peines pécuniaires à l’inutile peine de l’emprisonnement, il y a un essai à faire, ou plutôt une institution à créer… Mais ce sujet se rattache étroitement à nos conclusions générales, et nous n’en dirons ici que ce seul mot : l’article 84 de la Constitution de 1848 voulait que le jury statuât sur les dommages-intérêts réclamés pour faits et délits de presse ; il y a là, on le verra plus loin, un principe d’application fécond !

Donc, les jurés, en condamnant, auront le sentiment désormais que des peines sérieuses et efficaces seront la conséquence