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Pendant le jour, on se réunit dans la chambre de l’un ou de l’autre, on se livre à d’interminables parties de cartes ou à d’éternelles discussions devant des bocks de bière, dans des nuages de fumée. Telle est la vie de nos douze pensionnaires, que leurs parens, là-bas, croient penchés sous leurs lampes, se bourrant de science. Ceux qui voudraient se mettre au travail en sont empêchés par les autres, car dans le nombre il y en a toujours qui ne travaillent pas et qui ne veulent pas être seuls à ne rien faire. Et ainsi le temps se passe, et l’on ne fait rien qui vaille, et les examens s’ajournent de semestre en semestre.

La scène de l’enterrement de l’étudiant en médecine, la forte tête de sa classe, est décrite aussi avec une remarquable puissance d’expression. Réunis auprès de la tombe, piétinant dans la neige glissante, sous les arbres couverts de glaçons qui brillent au soleil, on voit le groupe des étudians de la nation assemblés autour de leur étendard drapé de crêpe et chantant des hymnes funèbres ; on voit le jeune pasteur, debout devant la tombe, parlant tête nue, sa barbe blonde scintillant sous le givre, son haleine, visible dans le froid de l’air, scandant chaque période de son discours.

Le tournoi poétique au club des étudians fournit encore à M. Strindberg l’occasion de ridiculiser le romantisme qui persiste toujours chez quelques jeunes gens des universités. Le poète idéaliste qui croit encore au Noble, au Beau, au Surnaturel, à l’âme Scandinave, qui chante en vers lyriques : Les sentiers fleuris qui s’ouvrent devant nous, est mis en déroute par un charivari de cris et de hurlemens. Des acclamations au contraire accueillent la réponse du réaliste, qui célèbre, en parodiant le lyrisme de son concurrent, la façon de bien dîner sans payer son écot ; de tromper la logeuse ; et d’éviter le départ pour la province, en ne passant jamais les examens de sortie. Ces plaisanteries d’étudians n’ont rien de bien sérieux, ni rien d’insolite. Les étudians sont en cela partout les mêmes, que ce soit à Upsal, à Heidelberg ou au quartier Latin.

Ceux des étudians qui terminent brillamment leurs études et quittent l’Université avec honneur, ceux-là mêmes servent de prétexte à son pessimisme. Témoin la dernière nouvelle de la série : La Promotion au doctorat. La veille de la cérémonie du couronnement des docteurs, il y a grande réunion dans le jardin de la nation d’Ostrogothie. L’élite de la société universitaire s’y trouve réunie ; il s’agit de préparer les couronnes de lauriers qui seront décernées aux candidats de la promotion. Les futurs docteurs, Primas et Ultimus, sont là, entourés de leurs parens et amis. L’éblouissante fiancée du premier, la jolie sœur du second font