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qui sourdent dans les pays de plaine, qui ont séjourné dans les prairies, sont chargées d’un excès de matière organique : celle-ci se transforme en azotates sous l’influence des fermens nitriques que renferment tous les sols arables. Elles contiennent de plus des sulfates, des phosphates d’alumine et de fer. Celles qui ont traversé des bancs de gypse sont tellement séléniteuses qu’on ne peut pas les boire, et quand ce sont des terrains tourbeux, elles ont une odeur hépatique qui les fait instinctivement rejeter. On ne peut donc pas accepter toutes les eaux de source sans examen ; mais elles n’en conservent pas moins d’une manière générale une incontestable supériorité sur toutes les autres espèces. Elles ont sur elles l’avantage de ne pas contenir de microbes, puisqu’il suffit que l’eau ait traversé une couche de terre de deux mètres d’épaisseur pour s’en être complètement dépouillée.

Les eaux provenant des fleuves et des rivières n’ont ni la même constance, ni les mêmes qualités que les précédentes. Leur composition varie comme leur température et leur limpidité. Alimentées par les ruisseaux, les torrens, les eaux sauvages et souvent par la fonte des glaciers, elles changent de nature suivant que l’un ou l’autre de ces élémens prédomine. Coulant sur un sol de composition variable, elles lui cèdent ou lui empruntent des principes minéraux ; elles se chargent de tout ce que le vent leur apporte, de tout ce qu’y déversent les végétaux croissans sur leurs bords et les usines qu’elles font mouvoir. Enfin, en traversant les villes, elles en emportent les détritus et les déjections. Les fleuves qui ont des glaciers pour origine voient leur volume augmenter et leur richesse en principes minéraux tomber au minimum à l’époque de la fonte des neiges. A ce moment, les eaux du Rhône arrivent à ne plus renfermer que 10 centigrammes de résidu fixe par litre, tandis qu’en hiver, elles en contiennent 18 centigrammes, l’ourles rivières alimentées par de petits cours d’eau, c’est le contraire : elles sont plus riches en sels minéraux pendant les chaleurs de l’été qu’à l’époque des pluies de l’automne et de l’hiver. Il s’établit pourtant pour les grands fleuves une moyenne à peu près constante. D’après les analyses de Charles Sainte-Claire Deville, elle est de 0gr, 1801 de résidu fixe par litre pour les principaux fleuves de l’Europe, tandis que les eaux d’Arcueil, qui sont à l’extrême limite des eaux potables, en contiennent 0gr, 5436.

Les rivières sujettes à des débordemens et qui couvrent alors les campagnes voisines entraînent, en rentrant dans leur lit, des quantités considérables de terre végétale et de débris de toute sorte. Ces matières en suspension sont tellement ténues qu’elles