Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 136.djvu/618

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ainsi que les eaux de l’Avre, dont les sources émergent à une altitude de 140 à 150 mètres, arrivent par une pente naturelle sur le plateau de Montretout, qui n’a que 100 mètres de hauteur. Lorsque le point de départ est plus bas que celui d’arrivée, il est bien entendu qu’il faut recourir à des machines élévatoires.

On désigne sous le nom de dérivations les conduites à l’aide desquelles on amène l’eau dans une ville par la simple pesanteur. Le type primitif de la dérivation, c’est la rigole en terre, analogue au lit naturel des rivières. L’exécution en est facile ; mais les rigoles ont l’inconvénient de perdre beaucoup d’eau par les infiltrations et de ne pas la protéger contre les souillures et les températures extrêmes. Elle y croupit l’été et y glace l’hiver. Les inconvéniens s’atténuent quand les rigoles sont larges, profondes et que le cours en est rapide. Ce sont alors des rivières artificielles, comme celle qui amène à Marseille les eaux de la Durance par un parcours de 81 754 mètres. On peut prévenir les infiltrations, en construisant les rigoles en maçonnerie, et la stagnation, en leur donnant une pente convenable. Cette pente ne doit, dans aucun cas, être moindre de dix centimètres par kilomètre.

Les eaux qui cheminent ainsi à ciel ouvert n’ont jamais la pureté et la fraîcheur de celles qui sont amenées dans des aqueducs couverts et qui conservent, à un ou deux degrés près, leur température initiale. Les aqueducs sont construits en maçonnerie et cimentés avec le plus grand soin. Lorsque les enduits sont de mauvaise qualité, il s’y produit des fissures où l’eau se perd et à travers lesquelles se glissent des herbes qui s’y développent en longs filamens. Si le terrain formait un plan incliné depuis le départ jusqu’à l’arrivée, l’aqueduc pourrait être en entier construit à fleur de sol ; mais, pour peu que la distance soit considérable, il rencontre sur sa route des vallées et des collines. Pour franchir les premières, il faut bâtir un pont ou des arcades ; il faut creuser un tunnel pour traverser les secondes.

Les arcades constituaient le moyen de nivellement le plus usité chez les anciens. La campagne de Rome en est sillonnée ; on en trouve dans tous les pays soumis à la domination romaine et le pont du Gard est un des plus beaux spécimens de ces monumens gigantesques. On n’a pas renoncé à ces grands travaux. Les innombrables arcades de la dérivation de la Vanne n’ont pas moins de seize kilomètres de longueur ; mais les progrès de la métallurgie ont permis d’éviter le plus souvent ces constructions dispendieuses. On les remplace par des siphons métalliques qui suivent les inflexions du terrain. Ce sont des conduites forcées dans lesquelles l’eau est toujours en pression et qui doivent