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dans l’île de Tasmanie, dans l’archipel de la Nouvelle-Zélande, l’appareil du gouvernement est le même : un gouverneur nommé par la reine, chef du pouvoir exécutif, mais surtout personnage d’apparat, qui a cependant le pouvoir, rarement employé, de réserver son assentiment aux lois votées par le parlement et de les transmettre à la reine dont le droit de veto, toujours en théorie, est absolu ; une Chambre haute ou Conseil législatif dont les membres sont tantôt nommés par le gouvernement, à vie ou pour un certain nombre d’années, tantôt élus par un corps censitaire, jouant le rôle de la Chambre des lords, repoussant parfois les lois votées par la Chambre basse, quitte à céder si, après une dissolution, les électeurs se prononcent contre elle ; enfin une Assemblée législative, qui se distingue de la Chambre des communes anglaise en ce qu’elle est élue par le suffrage universel, mais qui est, comme elle, l’organe moteur du gouvernement, qui fait et défait les ministères, choisis, pour la plus grande partie dans son sein.

Comme les mécanismes gouvernementaux, les milieux politiques sont à peu près identiques. Ce sont des questions économiques et sociales qui s’y agitent principalement : les réformes politiques, relatives surtout à l’extension du droit de suffrage, qui avaient été discutées dans les premières années qui suivirent la concession du self-government à toutes les colonies entre 1855 et 1860, sont aujourd’hui acquises. Ce qui remplit les sessions des parlemens, c’est la lutte entre libre-échangistes et protectionnistes, ou plutôt entre protectionnistes modérés et protectionnistes à outrance, à laquelle viennent se mêler, pour la dominer presque aujourd’hui, les discussions entre les partisans et les adversaires de l’extension indéfinie des pouvoirs de l’État. La coexistence de ces deux ordres de questions, l’absence de grands partis historiques, comme en Angleterre et aux États-Unis, quoiqu’il y ait dans chaque parlement, à l’instar de la Chambre des communes, un leader de l’opposition, personnage quasi officiel et successeur désigné du premier ministre, la fréquence des coalitions de groupes ont abouti à une grande instabilité ministérielle : les trois plus grandes colonies, Victoria, Nouvelle-Galles, Nouvelle-Zélande, ont eu depuis quarante ans de 27 à 28 cabinets ; l’Australie du Sud, 42 ; la moins instable, le Queensland, 15 seulement.

Les replâtrages, les « débarquemens » fréquens sont favorisés par la qualité inférieure du personnel politique : en Australie, comme en Amérique, comme dans bien d’autres démocraties anciennes et modernes, le divorce entre les « autorités sociales »,