Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 136.djvu/660

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des principales causes des bas salaires dans l’ébénisterie. Tout local où travaille même un seul Chinois est considéré comme une manufacture et tombe sous le coup des règlemens qui les concerne. On espère ainsi élever le standard of life des Célestes, et par suite leurs salaires ; de plus il leur est interdit de travailler, fût-ce à domicile, entre 5 heures du soir et 7 heures du matin. Arrivera-t-on ainsi à supprimer le sweating ? Il est à craindre que non, car les causes profondes du mal sont dans l’énorme afflux d’immigrans de toute sorte qui se sont précipités à Melbourne depuis la découverte de l’or, et particulièrement pendant le boom, la période d’énorme spéculation, de 1880 à 1890 où cette ville a passé de 282 000 à 490 000 habitans. Dénués d’habileté professionnelle, unskilled workers pour la plupart, ces nouveaux venus ont dû se réfugier dans les métiers qui exigent peu ou point d’apprentissage et s’y font une effroyable concurrence. Le mal existe d’ailleurs aussi bien dans les professions libérales : un médecin français, qui est aujourd’hui l’un des premiers de Melbourne, ne me disait-il pas que certains de ses collègues en étaient arrivés à soigner leurs cliens, auxquels ils fournissaient encore les médicamens, moyennant un abonnement de 6 pence (63 centimes) par semaine ! Croire qu’il sera possible de faire disparaître en un jour, par une législation hâtive, les conséquences malheureuses de l’exagération de la population urbaine dans ce pays sans grande industrie, c’est se faire de singulières illusions sur la puissance des lois.

Le régime fiscal des colonies australiennes porte, comme les lois sur le travail et sur les terres, la marque de l’esprit avancé de leurs gouvernemens. Aux droits de douane, aux locations et ventes de terres domaniales, aux recettes des divers services publics — postes, chemins de fer de l’Etat et autres, qui avaient longtemps formé, avec des droits de succession et quelques autres taxes indirectes, la presque totalité des revenus de l’État — sont venus se joindre, depuis quinze ans, des impôts directs ; l’impôt foncier et l’impôt sur le revenu existent dans les plus importantes des colonies australiennes. Ce qui les caractérise, c’est l’application du principe progressif et surtout les nombreuses exemptions. Tous les revenus inférieurs à 5 000 francs sont exemptés d’impôt en Australie du Sud et à Victoria ; tous ceux au-dessous de 7 500 en Nouvelle-Galles et Nouvelle-Zélande. Pour l’impôt foncier, les exemptions dans cette dernière colonie s’appliquent à tout propriétaire ne possédant pas plus de 12 500 francs de biens fonds ; les hypothèques sont déduites de la valeur du fonds, tandis que les créances hypothécaires y sont ajoutées. Sur 90 000