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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 136.djvu/665

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leur vie. Les femmes élèvent des enfans qui voteront plus tard, pourquoi ne voteraient-elles pas elles-mêmes ? ai-je souvent entendu dire en Australie. N’est-ce pas précisément parce qu’en appliquant au gouvernement des hommes les principes qui dirigent l’éducation des enfans en bas âge, on n’arriverait qu’à affaiblir l’initiative, l’énergie individuelle, les qualités vraiment viriles, que le suffrage féminin est au contraire dangereux ? « Les gens de ce pays sont incapables de rien faire sans l’Etat », me disait déjà avec une nuance de dédain un Américain avec lequel je voyageais en Nouvelle-Zélande. Les élections de 1893, où les femmes ont voté pour la première fois, n’ont fait que fortifier le ministère socialiste qui gouverne cette colonie.

Il y a de curieuses contradictions chez les promoteurs du mouvement féministe. Ce sont gens « avancés » qui ont sans cesse à la bouche le grand nom de Darwin et la théorie de l’évolution. Pourquoi prétendent-ils alors faire en un seul jour de la femme l’égale de l’homme, alors que sa position subordonnée pendant des séries de siècles, — si ce n’est sa nature originelle, — en a fait une créature fort différente. En Nouvelle-Zélande, on fonde aujourd’hui des ligues pour l’éducation politique des femmes, qui est nulle dans les classes inférieures, disait la présidente de l’une d’elles, femme d’un ancien ministre grand partisan de la réforme. N’eût-il pas mieux valu essayer de commencer cette éducation avant de leur mettre entre les mains un bulletin de vote ? Il est étrange aussi que les mêmes groupes qui préconisent l’assimilation des deux sexes et réclament, outre l’électorat, l’éligibilité des femmes et leur admission à toutes les professions, protestent d’autre part contre leur emploi dans les manufactures non seulement parce que ce travail est nuisible à leur santé, mais parce qu’il les empêche de vaquer aux soins du ménage et détruit le foyer familial. Une simple ouvrière aura cependant moins de préoccupations, une fois son travail terminé, qu’une femme député, médecin ou avocat. D’ailleurs la nature ne permet pas à la femme, comme à l’homme, d’assurer la conservation de l’espèce en exerçant un métier avec continuité. La femme n’est pas inférieure à l’homme, soit ; mais elle est différente, c’est-à-dire inférieure par certains côtés et supérieure par d’autres. Qu’on laisse donc son activité s’exercer dans la sphère où cette supériorité est démontrée.

Ainsi que nous l’avons dit, les lois ont devancé les mœurs on Australasie et la proportion des femmes qui travaillent en dehors de leur ménage y est moindre qu’en Amérique. D’après le recensement de 1891, sur une population féminine totale de 1 440 000 personnes,