Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 136.djvu/738

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mandiez que vous êtes incertain si vous conduiriez ou non la princesse, Sa Majesté m’a ordonné de vous écrire qu’Elle vous croyoit plus utile auprès de M. le Duc de Savoye et à son armée que vous ne le seriez à conduire la Princesse Adélaïde ». Tessé n’avait garde de récriminer. En habile homme qui, suivant sa propre expression, « ne savoit pas avoir d’autre volonté que celle du maître », il acceptait de bonne grâce de rester à Turin, et le Roi avait raison de l’y maintenir, car nous allons voir qu’il continuait d’y rendre d’importans services.

Comme aumônier, il avait été d’abord question d’un certain Père Emerique. Il fut écarté. « Le Père Emerique a le plus grand défaut de tous les défauts, écrivait Mme de Maintenon à l’archevêque de Paris. Il est très dévot, et la dévotion ne sied guère mieux à un confesseur qu’à un évêque. Voilà, Monseigneur, où en sont les intérêts de Dieu. » Le Père Emerique, dont le nom est demeuré tout à fait obscur, fut-il en effet écarté pour cette raison ? Louis XIV ne voulut-il pas pour sa petite-fille d’un confesseur trop austère qui aurait banni de sa future cour une certaine gaieté que, par réaction secrète contre l’influence de Mme de Maintenon, il se serait proposé d’y faire revivre ? Cela est impossible à dire. Ce qui est certain c’est qu’un autre fut choisi. Ce fut le Père Le Comte, jésuite, connu pour avoir publié une belle Relation de son séjour en Chine, où il avait été envoyé comme missionnaire. « Ce fut, dit Saint-Simon, une affaire intérieure de jésuites dont le Père de la Chaise fut maître. » Le choix fut au reste trouvé bon par Mme de Maintenon, qui dans une autre lettre, qualifie le Père Le Comte d’homme admirable. Il ne devait pas conserver longtemps cette fonction.

Enfin la maison fut complétée par le choix de cinq femmes de chambre, et peut-être n’aurions-nous même pas signalé celle promotion, si cette question des femmes de la princesse Adélaïde n’avait donné lieu à l’échange de nombreuses dépêches entre Tessé et Louis XIV, et n’avait fait couler, comme on va le voir, presque autant d’encre que la restitution de Pignerol.


II

C’était une règle absolue à la cour de Louis XIV que les princesses étrangères venant en France pour épouser un prince de la maison royale ne fussent autorisées à conserver auprès d’elles aucune dame d’honneur appartenant à leur pays d’origine ; tradition

[1]

[2]

  1. Corresp. générale, t. IV. Lettre CDXXVII, page 114, 4 septembre.
  2. Mémoires du marquis de Sourches, t. V, p. 183.