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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 136.djvu/743

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Torcy accompagnait d’une lettre de sa main l’envoi de cette dépêche, et il y ajoutait ce commentaire un peu railleur : « Faut-il vous expliquer de qui Sa Majesté veut parler dans sa lettre ? Je croy qu’une pénétration bien moindre que la vôtre iroit jusqu’à deviner qui prendra soin de l’éducation de Madame la Princesse de Savoye[1]. »

La même pensée, que l’influence de celle à laquelle sera confiée l’éducation de la princesse de Savoie ne doit être traversée par aucune autre, se retrouve dans une dépêche postérieure de quelques jours[2]. « Je me suis proposé le bonheur de sa fille (du duc de Savoie). Je vous ay informé du soin qui sera pris de son éducation. Vous connoissez la sagesse des conseils et des lumières qui luy seront donnés, combien elle contribuera à rendre cette princesse heureuse dans toute la suitte de sa vie. Je ne puis consentir que le plan que je me fais et son repos soient également traversés par ceux qu’on laisseroit auprès d’elle. »

Mais Tessé avait beau, suivant ses propres expressions, représenter, presser, patrociner, il n’arrivait à rien, et le duc de Savoie s’entêtait à vouloir qu’au moins deux femmes de chambre et un médecin accompagnassent sa fille jusqu’à Fontainebleau et demeurassent auprès d’elle. Louis XIV, irrité de cette résistance à laquelle il n’était pas accoutumé, fut sur le point de prendre un parti violent. Il prescrivit à la duchesse du Lude de renvoyer du Pont de Beau voisin, aussitôt après l’arrivée de la princesse, toutes les femmes qui l’auraient accompagnée, quelque éclat qui pût en résulter. Puis il se ravisa, et en revint à cette politique de modération et de concession, dont il ne s’était pas départi un seul jour avec le prince difficultueux auquel il avait affaire. Il fit savoir au duc de Savoie qu’il consentait à ce que deux femmes de chambre et un médecin accompagnassent la princesse de Savoie en France. A vrai dire cependant, il trompait un peu Victor-Amédée sur l’étendue de la concession. Tandis que celui-ci se flattait que cette petite escorte piémontaise resterait indéfiniment auprès de sa fille, Louis XIV était au contraire résolu à la renvoyer dès que l’escorte aurait atteint Fontainebleau. Mais il n’en faisait rien savoir à Tessé, et c’était Torcy qu’il chargeait de transmettre directement ses dernières résolutions sur ce point à la duchesse du Lude : « Vous ne serez point incommodée, Madame, lui écrivait Torcy, par les dames que le duc de Savoye voulut envoyer jusqu’à Fontainebleau, avec Madame la Princesse sa fille. Il consent qu’elles ne passent point le Pont de Beauvoisin. C’est toujours

  1. Papiers Tessé. Torcy à Tessé, 9 septembre 1696.
  2. Papiers Tessé. Le Roi à Tessé, 25 septembre 1696.