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le duc de Savoie. Il insistait d’autant plus sûr ce point qu’il annonçait l’intention d’aller au-devant de la princesse jusqu’à Fontainebleau, qu’à l’entrée de l’automne l’humidité de la forêt était contraire à sa santé, et qu’il souhaitait pour cette raison n’être point obligé de faire ce voyage la saison étant trop avancée. Fort de cet appui, Tessé insistait auprès du duc de Savoie, et il finissait par triompher de ses répugnances, sincères ou calculées. « Après avoir un peu pleuré de part et d’autre et s’estre mutuellement attendris, ce prince m’envoya chercher pour me dire que la princesse partiroit dorénavant quand Vostre Majesté le commanderoit. Je le pressay sur le jour, mais les affaires ici ne se décident pas volontiers ni facilement… Je croy pourtant qu’à veue de pays on peut orienter le départ des équipages que Vostre Majesté commandera pour venir au Pont de Beauvoisin aussi bien que de ceux et de celles que vous destinés à recevoir et conduire cette princesse, sur son départ d’icy que je conte ne pouvoir estre plus tôt que les premiers d’Octobre[1]. »

Sur cette indication, encore un peu vague, que Tessé ne tardait pas à confirmer, Louis XIV donnait en effet l’ordre de départ aux équipages de la future duchesse de Bourgogne ainsi qu’à tous ceux et à toutes celles qu’il envoyait au-devant d’elle. Le cortège se composait de cinq carrosses du Roi, soit deux à huit et cinq à six chevaux. Celui qui devait ramener la duchesse de Bourgogne était drapé de violet. La dame d’honneur avec les dames du palais étaient dans le premier. Le second était réservé pour Brionne et Dangeau ; le troisième pour les femmes de chambre ; le quatrième pour le premier médecin du Roi Bourdelot, le premier chirurgien Dionys et l’apothicaire Ricourt. « Il y avait en outre plusieurs carrosses appartenant aux dames et aux grands officiers. Le tout avec les domestiques des officiers montait à six cents personnes[2]. » Pour faire honneur à la princesse, le Roi avait détaché de plus un certain nombre de ses gardes du corps, et des officiers de sa bouche. Son premier maître d’hôtel, Francine, était à la tête de ceux-ci, et devait servir la princesse à table. Suivant toutes les règles du cérémonial. Le lourd cortège, voyageant

  1. Aff. étrang. Corresp. Turin, vol. 91. Tessé au Roi, 6 septembre 1696.
  2. Aff. étrang. Corresp. Turin, vol. 95, Mémoire des officiers commandés pour servir Mme la princesse de Savoye, promise en mariage à M. le duc de Bourgogne, lesquels ont été payés de deux mois de leurs gages sur le pied de ce qu’ils ont par quartier quand ils sont chez le Roi. Cette liste très complète donne en effet les gages de tous les officiers, y compris les plus modestes : postillons, valets de pied, galopins, etc. Elle peut fournir les élémens d’un rapprochement curieux entre les gages d’autrefois et ceux d’aujourd’hui, et nous nous permettons d’en signaler l’existence aux amateurs de ces comparaisons économiques.