Brionne rédigea un nouveau reçu par lequel il certifiait, sans faire mention du duc de Savoie, que la princesse Adélaïde avait été conduite au Pont de Beauvoisin par le marquis de Dronero et qu’il avait eu l’honneur de la recevoir au nom du Roi. Le courrier emporta ce nouvel acte, dont Dronero ne se contenta pas davantage, et qu’il renvoya une seconde fois. Mais comme la princesse était déjà arrivée à Fontainebleau, il n’en fut point rédigé un troisième, et l’incident n’eut point de suite, sauf que Victor-Amédée fut très blessé[1] et que Louis XIV, de son côté, témoigna son mécontentement au comte de Brionne, lorsqu’il fut informé de cet incident où se traduisaient de nouveau la hauteur et les prétentions des princes lorrains.
Cependant la princesse de Savoie avait quitté le Pont de Beau voisin le 17 octobre au matin. Par une bonne grâce de la duchesse du Lude, la princesse de la Cisterna, bien que son service fût fini, n’en fut pas moins admise à coucher une dernière fois dans la chambre de la princesse. Au moment du départ, lorsque les personnes de sa suite qui s’en retournaient à Turin vinrent lui faire leurs derniers adieux, la duchesse du Lude la pria de passer légèrement sur cette cérémonie de crainte que cela ne lui fit de la peine. Saint-Simon affirme qu’elle se sépara de sa suite sans verser une larme. Cela n’est point exact, nous le savons par Tessé qui, précisément, avait envoyé ce jour-là un gentilhomme pour la complimenter. « Elle m’a l’ait l’honneur de me faire dire, écrivait-il au Roi, qu’elle n’avoit pas oublié que je Pavois supplié, en partant pour l’armée, de ne se point contraindre pour pleurer, qu’elle avoit bien pleuré, et qu’elle se souvenoit aussi que je l’avois supplié en même temps, qu’immédiatement après avoir pleuré il falloit rire et se souvenir de la place qu’elle alloit occuper[2]. » En effet, elle dit à la duchesse du Lude qu’ « elle ne devoit pas s’affliger quand elle alloit être la plus heureuse personne du monde. » Déjà, pour employer une expression dont Madame allait bientôt se servir en parlant d’elle, elle était politique, et la sensibilité n’enlevait rien chez elle à la présence d’esprit.
Le cortège coucha le 17 à Bourgoin, et repartit le lendemain pour Lyon où la princesse devait passer trois jours. On s’arrêta pour déjeuner à Saint-Laurent, chez l’abbé de Gouvernet. À ce déjeuner se passa un incident assez curieux. Un gentilhomme huguenot récemment converti avait amené, non sans arrière-pensée et sur le conseil d’un père jésuite, sa femme, huguenote