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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 136.djvu/766

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vous la serez aussy (contente). Elle a été bien regardée et observée, et tout le monde paraît bien satisfait de bonne foi. L’air est noble et les manières polies et agréables. J’ai plaisir à vous en dire du bien, car je trouve que sans préoccupation et sans flatterie je le puis faire et que tout m’y oblige… J’oubliais à vous dire que je l’ai vue jouer aux jonchets avec une grâce charmante. Quand il faudra un jour qu’elle représente, elle sera d’un air et d’une grâce à charmer, avec une grande dignité et un grand sérieux. »

Le lendemain, comme on voulait partir de bonne heure, la princesse fut obligée de se lever à six heures. Le Roi assista à sa toilette et loua ses cheveux qu’il trouva fort beaux. Il y avait aux alentours de la maison qu’elle occupait plus de vingt mille personnes qui étaient venues pour la voir au moment où elle irait à la messe. Elle y fut à neuf heures, dans un couvent de Barnabites qui avait été autrefois fondé par Monsieur. Le supérieur lui présenta l’eau bénite à l’entrée, et la harangua naturellement à la sortie. Pendant la messe on remarqua la ferveur avec laquelle elle priait. Après la messe et le dîner qui eut lieu à onze heures, le long cortège qui accompagnait la princesse depuis le Pont de Beauvoisin s’ébranla de nouveau. Dans le premier carrosse montèrent le Roi qui se mit dans le fond à droite, la princesse qui se plaça à côté de lui, Monseigneur, Monsieur et la duchesse du Lude. Une place avait été réservée du côté de la portière pour le duc de Bourgogne qu’on devait rencontrer en route. En effet il attendait dans son carrosse, avec le duc de Beauvilliers, à une demi-lieue au-delà de Nemours. Lorsqu’il aperçut le carrosse du Roi il mit pied à terre, et, laissant là son gouverneur, il courut seul cinquante pas en avant. Le carrosse du Roi s’arrêta, la portière en fut ouverte et le duc de Bourgogne y monta. Il y eut un moment d’embarras auquel le Roi mit fin en prenant la parole. Le duc de Bourgogne se contenta de baiser deux fois la main de la princesse, qui de son côté rougit fortement. Le cortège reprit sa marche, avançant péniblement dans les sables de la forêt, et n’arriva pas avant cinq heures à Fontainebleau. Le carrosse du Roi entra dans la cour du Cheval-Blanc. Il y avait du monde partout, sur la double rampe en pierre qui monte de la cour aux appartemens, aux fenêtres des galeries, et jusque sur les toits. Le Roi gravit l’escalier ayant à côté de lui la princesse « qui semblait sortir de sa poche », dit Saint-Simon (car elle était petite), et la fit entrer d’abord dans la tribune de la chapelle, pour rendre grâces à Dieu. Ensuite il la conduisit à l’appartement de la Reine mère qui lui avait été destiné. Mais il y avait pour la voir une telle presse que, dans cette cour si ordonnée, un instant l’étiquette