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où tous deux ils pourront vivre en égaux et se développer parallèlement.

À propos de cette solution, Mme Leffler écrivait : « Qu’on ne m’accuse pas de vouloir établir que désormais le tour est venu pour l’homme de subordonner son œuvre à celle de sa femme, de se sacrifier au libre développement de la destinée de la femme. J’ai voulu seulement démontrer que lorsque l’un des deux doit se sacrifier, il est injuste que ce soit forcément la femme. N’est-il pas plus juste que ce soit celui des deux qui, indépendamment de toute considération de sexe, a l’individualité intellectuelle la moins développée ? Ulla ne pouvait pas renoncer à ses instincts artistiques sans se démentir elle-même. Peindre était pour elle une des conditions de l’existence, de l’équilibre de son âme. Falk pouvait tout aussi bien se vouer à autre chose qu’à son école. Le sacrifice, s’il était encore pénible, était moindre pour lui. « Voilà donc la tendance de l’œuvre. Elle est caractéristique du genre : aussi a-t-elle obtenu toute l’approbation des maîtres de ce genre nouveau. M. Biörnstierne Biörnson écrivait, au sujet de ce livre, à Mme Leffler : « Bien des femmes vous remercieront dans leur cœur des paroles de justice et de liberté que vous avez prononcées en leur faveur. »

La dernière œuvre d’Anne-Charlotte Leffler est un recueil de Souvenirs qu’elle a consacrés à son amie Sonia Kovalevsky, l’auteur de Vera Vorontzoff, qui l’avait précédée de quelques mois dans la tombe. Ces mémoires éclairent d’une vive lumière la personnalité de la célèbre mathématicienne[1].

Dans une notice biographique sur Anne-Charlotte Leffler, Mlle Ellen Key, à son tour, a raconté sa vie et étudié son caractère, sans prétendre d’ailleurs à porter un jugement définitif sur l’ensemble de son œuvre. Quel que soit, sur cette œuvre, le jugement de l’avenir, Anne-Charlotte Leffler occupera toujours une place considérable dans l’histoire du mouvement réaliste suédois, et elle méritait, à ce titre, de figurer dans cette étude.


II. — M. G. DE GEIJERSTAM

M. G. de Geijerstam raconte quelque part l’histoire d’un certain étudiant d’Upsal, Christian Grane, champion de la libre pensée, philosophe et écrivain en herbe, qui sacrifie toutes les joies qui s’offraient à lui dans les chemins battus, — l’affection de ses parens,

  1. Voir, sur Sophie Kovalevsky, l’article d’Arvède Barine dans la Revue du 1er mai 1894.