byronien. Il avait fait une étude spéciale des vieux poètes français, et semblait s’en inspirer.
Son roman les Ennemis de la vie ne laisse pas d’être aussi assez mélancolique. Une impression de tristesse s’en dégage dès les premières pages, et jusqu’au bout nous poursuit. L’action est des plus simples. Tout se meut autour de trois ou quatre personnages. Les faits sont secondaires : seul importe le développement psychologique des caractères.
Otto Imhoff est un jeune publiciste engagé dans le journalisme. Il est rédacteur en chef d’un journal libéral. Ses opinions politiques, plutôt radicales, contrastent avec son tempérament aristocratique, sa nature raffinée, ses goûts élégans. Il est fils d’un riche industriel suédois et d’une Française. C’est de sa mère qu’il tient sa nature fine, enthousiaste, prime-sautière, connue aussi son extrême sensibilité, son tempérament nerveux, ses idées démocratiques. Une telle nature est peu faite pour supporter les luttes politiques, pour vivre dans l’atmosphère surchauffée du journalisme, au milieu des haines, des jalousies, des intolérances. Tout son être moral en est bientôt meurtri. Il s’irrite de ces mœurs, de ces tiraillemens. Il s’exagère les affronts de ses adversaires, prend sa part de toutes les souffrances, des injustices qu’il constate autour de lui, et se désespère à la pensée qu’il ne peut rien pour secourir les opprimés qu’il a poussés à la révolte. Il prend pour des attaques personnelles l’opposition qu’on fait à ses idées, à ses principes. Cette persécution s’incarne surtout à ses yeux dans la personne de son adversaire, le journaliste conservateur Hessler, personnage très influent et membre de la Chambre haute. La polémique que celui-ci mène contre le journal libéral prend dans l’imagination d’Imhoff des proportions démesurées ; il se croit personnellement dénoncé à la vindicte publique, attaché au pilori de l’opinion. Il vit dans un état maladif d’inquiétude et de surexcitation. De là à l’idée fixe, à la manie de la persécution, il n’y a qu’un pas : Imhoff est très près de le franchir.
La seule planche de salut est l’affection, l’influence calmante de sa fiancée. De cette fiancée, Annie Hörlin, M. Levertin a fait un adorable portrait. C’est la vraie femme, avec toute l’abnégation de son dévouement, la douceur de son affection, la lucidité de son esprit guidé par son cœur, l’influence consolante, apaisante, fortifiante, de son amour. Selon l’usage suédois, les fiancés se voient constamment. Annie va librement chez Imhoff, dans son appartement de garçon. Lui, de son côté, vient librement chez elle. Orpheline, vivant seule avec une tante, elle est employée comme caissière dans une compagnie d’assurances. Lorsqu’elle