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jaune s’exerce à son tour aux dépens des argentistes. Le New York Herald nous montre un vagabond aux habits rapiécés, avec un pantalon enfoncé dans de grandes bottes et retenu par une seule bretelle au-dessus de sa chemise de laine, un chapeau de feutre aux larges bords dont s’échappent des plumes avec les inscriptions d’Altgeldisme, Tillmanisme (Altgeld est le gouverneur anarchiste de l’Illinois et Tillman le sénateur de la Caroline du Sud, fougueux apôtre de l’argent) ; il porte sur le dos le mot : populisme ; de la main gauche il maintient sur un billot intitulé : « convention de Chicago » la poule aux œufs d’or, la démocratie, et s’apprête à l’égorger avec la hache « argent libre » (free silver), qu’il brandit de la main droite. L’Evening Telegram du 14 juillet nous montre la vieille dame Démocratie faisant sauter sur ses genoux le petit enfant « populisme » et l’amusant avec un hochet « libre argent » (free silver) : la légende est jolie dans sa concision. « Elle avait besoin de quelque chose pour la distraire. » Une autre nous montre cette même démocratie dont les jupes sont entortillées par les laisses de deux cochons qui la tirent en sens contraire : l’un s’appelle l’or et est très gras ; l’autre, tout maigre, personnifie l’argent. La vieille dame crie au secours et demande qu’on la dégage de ces cordes. L’un des animaux l’entraîne sur une route qui s’appelle « Défaite » et l’autre se dirige vers le chemin qui mène à « Ruine ».

En d’autres temps, l’élection de Mac-Kinley aurait eu une signification nettement protectionniste. Les circonstances ont relégué cette question si grave au second plan, et amèneront peut-être à ce candidat nombre de voix libre-échangistes. Voici comment s’exprime à cet égard la plate-forme républicaine :


Nous renouvelons et affirmons notre attachement à la politique protectionniste, que nous considérons comme le boulevard de l’indépendance industrielle de l’Amérique et le fondement de la prospérité américaine.

Cette politique véritablement américaine taxe les produits étrangers et encourage l’industrie indigène ; elle fait porter le poids des droits aux marchandises du dehors ; elle conserve le marché américain au producteur américain ; elle assure à l’ouvrier américain le maintien des salaires au taux américain ; elle met la fabrique à côté de la ferme et rend le fermier américain moins dépendant de la demande et des prix étrangers.

Nous demandons un tarif équitable sur les importations étrangères, qui ne fournisse pas seulement au Gouvernement un revenu égal à ses dépenses nécessaires, mais qui empêche le travail américain d’être réduit à se contenter des salaires payés en d’autres pays.


La plate-forme démocratique au contraire déclare que les droits d’entrée doivent être uniquement perçus pour fournir des ressources au budget. Elle dénonce comme désorganisant les affaires la menace républicaine de rétablir le tarif