le sultan. La mise en vigueur du pacte d’Halepa devait entraîner, par voie de conséquence, la réunion immédiate de l’Assemblée gênérale ; l’Assemblée a été convoquée en effet. Le point sur lequel il a été le plus difficile, on le comprend sans peine, d’obtenir l’adhésion du sultan, a été l’amnistie générale. Le sultan était résolu à accorder l’amnistie, mais il demandait, au préalable, que l’insurrection mît bas les armes. Tout autre aurait fait de même à sa place. On a pourtant exigé et obtenu de lui qu’il accordât l’amnistie sans désarmement, et il faut convenir qu’il a eu quelque mérite à faire cette concession. Il en a été d’ailleurs mal récompensé. On a cru que tout était fini : tout s’est trouvé à recommencer. La réunion de l’Assemblée générale à la Canée, au lieu de supprimer les difficultés anciennes, en a fait naître de nouvelles. Les députés chrétiens n’avaient qu’une médiocre confiance, non seulement dans les autorités ottomanes, mais en eux-mêmes. Leurs mandats étaient de trop vieille date pour n’être pas périmés ; mais comment faire pour les rajeunir ? Il ne fallait pas songer à procéder à des élections nouvelles : l’état insurrectionnel de l’île ne le permettait pas. Les députés chrétiens ont offert un spectacle qui prêterait à rire, si la situation n’était pas aussi grave. Ils se sont divisés. Les uns sont allés à la Canée ; les autres ont couru se réfugier dans l’Apokorona, au sein même de l’insurrection ; on a même, croyons-nous, signalé la présence de quelques-uns d’entre eux à Athènes. Les uns agissaient par peur, les autres par embarras, ne sachant pas très bien ce qu’ils représentaient, et, à parler franchement, pour s’affilier à quelque chose, ils n’avaient peut-être rien de mieux à faire que de représenter l’insurrection. Ceux qui étaient allés prendre langue dans l’Apokorona n’avaient pas tout à fait tort, bien que leur démarche, au moins dans la forme, ait pu paraître singulière. On a littéralement couru après eux. Leurs collègues qui s’étaient d’abord rendus à la Canée sont allés les rejoindre pour les ramener. Des négociations, qui ont duré plusieurs jours et dont le résultat est resté jusqu’au dernier moment incertain, se sont poursuivies, et on s’est demandé, à voirie cours des choses, si la Crète était vraiment mûre pour le gouvernement parlementaire. La Porte a pu y trouver quelques excuses à n’avoir pas réuni plus tôt l’assemblée. Bref, il y a eu à Fré, ville principale de l’Apokorona, une réunion des chefs insurgés, lesquels ont bien voulu permettre aux députés chrétiens de se rendre à la Canée, et même leur ont conseillé de le faire, non sans les avoir munis au préalable d’un mandat impératif. Les députés ont pris le caractère impératif de leur mandat tellement au sérieux qu’à peine réunis ils ont déclaré inutile de délibérer, et même de voter, En tout cas, ils se sont refusés à voter par têtes, et cela pour deux motifs, d’abord parce qu’ils n’étaient pas sûrs de réunir la majorité des deux tiers prévus dans la convention d’Halepa pour rendre le vote
Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 136.djvu/956
Apparence