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pas osé montrer une matrone coupable ; mais on n’avait plus de ces scrupules, au temps d’Ovide. Il nous apprend que les auteurs de mimes mettaient volontiers sur la scène un amoureux aimable et bien vêtu, une femme rusée, qui fait croire ce qu’elle veut à un époux débonnaire, et que quand l’amant parvient à tromper le mari, tout le théâtre éclate en applaudissemens. Dans une de ces pièces, qui paraît avoir eu beaucoup de succès, le mari étant survenu fort mal à propos, l’amant était réduit à se cacher dans un coffre : c’est un sujet dont le théâtre moderne a souvent usé.

Ce qui donnait plus de piquant à ces scènes, c’est que, dans les mimes, les rôles féminins étaient tenus par des femmes. La tragédie et la comédie n’admettaient que des hommes. C’est donc par les mimes que les comédiennes ont fait leur entrée au théâtre. Dès le début elles s’y sont fait une place importante. On parlait beaucoup à Rome, du temps de César et d’Auguste, d’une jeune affranchie, qui s’était donné le nom charmant de Cythéris, et qui jouait les mimes en perfection. Elle fréquentait le meilleur monde et Cicéron raconte qu’il a dîné avec elle chez le chevalier romain Eutrapélus, qui l’avait mise à la mode. Elle fut plus tard la maîtresse de Cornélius Gallus, et le quitta brusquement pour suivre un officier qui allait faire la guerre en Germanie. C’est ce qui nous a valu cette charmante dixième églogue où Virgile essaie de consoler son ami désespéré. Il y avait aussi des comédiennes en province, qui jouaient des mimes et menaient à peu près la même vie que celles de Rome. Cicéron parle d’un de ses cliens auquel on reprochait d’en avoir enlevé une à Atina et il se contente de dire, pour le défendre, « que c’est une licence qu’on passe aux jeunes gens, surtout dans les petites villes. »

Voilà, en quelques mots, ce qu’on nous dit du théâtre pendant l’empire. Ce n’est pas, à beaucoup près, tout ce que nous souhaiterions en savoir. Pour connaître exactement ce qu’était une pantomime, nous voudrions posséder le texte des paroles que chantait le chœur et quelques renseignemens plus complets sur les gestes de l’histrion ; nous voudrions pouvoir lire, dans son intégrité, un de ces mimes qu’on jouait avec tant de succès à Rome et que des troupes de comédiens et de comédiennes transportaient dans les provinces. Nous voudrions enfin que quelque écrivain du temps, un Pétrone ou un Apulée, eût imaginé de composer un roman, à la façon de celui de Scarron, qui nous montrât une de ces troupes, ou, comme on disait, un de ces collèges d’acteurs (collegium scænicorum) et le fît revivre pour nous. Tout ce que nous en savons, c’est qu’ils parcouraient certaines régions de l’empire, quelquefois en compagnie d’un artiste célèbre