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sont presque toujours couvertes de denses forêts d’eucalyptus malaisées à défricher ; dès qu’on s’avance un peu dans l’intérieur, le climat est trop irrégulier et trop sec pour permettre les cultures. Seuls sur le continent australien, le pays ondulé qui forme le centre de la colonie de Victoria et les plaines qui s’étendent dans l’Australie du Sud entre le golfe de Saint-Vincent et les collines de l’intérieur offrent aux céréales des conditions favorables de développement.

Encore le rendement est-il souvent bien maigre. Dans l’Australie du Sud, il est descendu en 1889 à trois hectolitres et demi par hectare ; il y est en moyenne de six, de neuf dans Victoria, de dix et demi dans la Nouvelle-Galles du Sud. On comprend qu’au prix actuel du blé, qui est de 10 à 12 francs l’hectolitre, les Australiens ne croient pas avoir intérêt à développer leur production notablement au-delà de leurs besoins. Peut-être pourrait-il en être autrement en Nouvelle-Zélande, où le climat est humide et beaucoup plus favorable, comme le prouve un rendement moyen de 21 hectolitres à l’hectare. Les grandes plaines de Canterbury, dans l’île du Sud, sont la seule région de l’Australasie où la culture des céréales soit pratiquée sur une vaste échelle. Elle y est, du fait du climat, plus intensive qu’en Australie ; les prairies artificielles, presque inconnues sur le continent voisin, y couvrent aussi 3 millions d’hectares, plus que l’ensemble de toutes les autres cultures dans l’Australasie entière.

La production des céréales, si perfectionnés que soient les nouveaux procédés d’exploitation, exige plus de main-d’œuvre que l’élève du bétail, et c’est encore une des causes qui tendent à en ralentir le développement aux antipodes, où le prix du travail humain est fort élevé. A plus forte raison, cette cherté est-elle un obstacle pour les cultures raffinées nécessitant des soins assidus, comme celle de la vigne, à laquelle le climat des parties les moins chaudes de l’Australie conviendrait cependant fort bien. Les Australiens sont assez fiers de leur production vinicole ; ils prétendent même un jour détrôner les vins français sur le marché anglais, et non seulement les vins français, mais ceux du Rhin, d’Espagne, de Portugal, car ils ont fait venir des plants de tous les pays et imitent tous les crus possibles de l’Europe et de l’Asie. Demandez dans un hôtel de Melbourne la carte des vins : sur la partie réservée aux vins du pays, vous trouverez inscrits du bordeaux (claret), du bourgogne, du reisling, du chablis, du vin du Rhin (hock), du porto, du madère, du xérès (sherry), même du chiraz, qui doit être, d’après son nom, une imitation de vin persan ! Cette ardeur à vouloir tout produire du premier coup dénote