le tsar son père, s’il ne s’y est pas entièrement délassé de la politique, Nicolas II aura rencontré, à la cour de Danemark, dans cette sorte d’annuel congrès de famille de princes et de rois, des amis, et aussi des amies de la France. Le Danemark et la Hesse, c’est la partie intime, la partie domestique du voyage impérial, celle qui doit échapper à l’indiscrète curiosité des diplomates et des reporters ; et si quelque vieux ministre professait que dans la vie des princes rien n’est indifférent, qu’il se rassure, Bernstorf aura d’avance neutralisé Darmstadt.
Aux yeux de l’Europe, l’intérêt du voyage de l’empereur Nicolas II était dans sa rencontre avec les chefs des grands Etats. Il les a tous visités, au moins les plus puissans d’entre eux, les souverains, ses égaux, parés, ainsi que lui-même, du double titre impérial et royal. Il ne tendra la main à notre président, M. Faure, qu’après avoir été l’hôte de Sa Majesté Apostolique l’empereur d’Autriche roi de Hongrie, de Sa Majesté l’empereur allemand roi de Prusse, de Sa Majesté la reine de Grande-Bretagne et d’Irlande impératrice des Indes. Officielles démonstrations de courtoisie, d’usage entre têtes couronnées, où se reconnaît une sorte d’éclectisme diplomatique. Quelques-uns, parmi nous, eussent peut-être préféré, de la part de notre jeune allié du Nord, une marque d’amitié un peu plus exclusive. Ils auraient tort. En politique aussi, la jalousie est mauvaise conseillère. Alors qu’il fait autant pour la République française que pour les empereurs ses frères, le tsar, en réalité fait plus pour la France. De Pétersbourg ou de Kief à Paris, le chemin est par l’Allemagne ou par l’Autriche, et l’autocrate russe, désireux de rassurer l’Europe, ne pouvait venir à nous qu’en passant par les cours impériales. En visitant, avant nous, le Hohenzollern et le Habsbourg, Nicolas II n’a fait que remplir sa mission de prince de la paix. Bien mieux, le jeune couple impérial n’aurait pas redouté un surcroît de fatigue ; il lui eût plu, au retour de Paris, de franchir les Alpes et de descendre jusqu’à Turin ou à Monza, que nous n’y aurions vu qu’un service de plus rendu à la paix et à la bonne harmonie de l’Europe. Quoi qu’en aient les maladives suspicions de certains de nos voisins du Sud-Est, nous n’avons pas, en France, pour l’Italie, les jalouses et mesquines rancunes que nous a trop souvent laissé voir Montecitorio ; nous nous serions sincèrement réjouis de tout ce qui eût réconforté l’amour-propre national de la dernière venue des six puissances. Mais on doit, j’imagine, savoir, au Quirinal, que ce n’est pas le quai d’Orsay qui a réglé l’itinéraire de Nicolas II. Le jeune tsar a commencé son tour d’Europe par une visite au doyen des souverains du continent, l’empereur