pour meubles et ustensiles de toute sorte, aussi bien dans les forêts royales que dans les domaines des seigneurs laïques ou clercs. Il en était du chêne dans la futaie, comme aujourd’hui du moellon qui sommeille dans les entrailles de la terre, et qui n’a de prix que par le travail d’extraction, de charroi, de façonnage, dont il est l’objet. Les habitans de Perpignan prennent en 1296 le bois dont ils ont besoin moyennant 20 centimes le stère — 80 centimes de notre monnaie ; — somme élevée et qui n’était payée qu’aux abords d’une ville, puisque cent ans plus tard, dans la même province, de vastes forêts sont concédées à des particuliers avec autorisation d’y mettre le feu, « pour tuer et mettre en fuite les bêtes sauvages. » Ce mode sommaire de défrichement est encore appliqué dans le Midi au début du XVe siècle.
D’autres personnes, même sans être propriétaires, obtiennent le droit d’incendier ou de détruire certains bois de leur voisinage, pour détruire en même temps les sangliers et les ours qui les habitaient. Rien qui ressemble moins à nos idées étriquées, à nos économies sordides, sur cet article, que la magnifique prodigalité de nos pères en fait de bois. Aux portes de Paris, en 1346, le roi de France donne au duc de Bourgogne quatre hectares de la forêt de Crécy-en-Brie « pour la construction d’une nouvelle salle à son château » ; politesse bien naturelle, puisque l’année précédente ce duc, recevant dans ses Etals le roi Philippe de Valois, lui offrait une suite de festins dont la cuisine avait consommé 14 hectares de taillis. Quand on absorbe, pour débiter quelques solives ou faire rôtir quelques moutons, de telles surfaces forestières, c’est qu’elles ne sont pas bien précieuses. Dans le Gard, en 1271, la tuilerie de Campagnoles est louée moyennant une redevance de 6 000 tuiles par an, valant 300 francs d’aujourd’hui, avec pouvoirs pour les preneurs de couper tout le bois que bon leur semble, et de faire paître partout leurs bestiaux. A Chéry-Chartreuve, dans l’Aisne, le seigneur concède même aux riverains (1231) une partie du sol boisé ; il en interdit seulement le défrichement, sans doute afin que le droit de chasse qu’il s’est réservé ne devienne pas illusoire. Dès le milieu du VIIIe siècle, on trouve les populations de la Marche en possession des droits d’usage et de pacage les plus larges dans la forêt d’Aubusson. Une charte seigneuriale reconnaît ces droits en 1265, « sans qu’il soit permis aux habitans de disposer des bois ni pour trafic, ni pour don. » Le seigneur se réserve seulement « un certain lieu de la forêt » ; on le cantonne. Plus tard, en pareil cas, ce sont les usagers que l’on cantonnera. Les paysans, pour prix de cet usage, doivent seulement au suzerain une journée de charroi, « un voyage au bois. » Les choses marchaient ainsi depuis des centaines d’années quand, au XVIe siècle,