maîtres respectifs, entre les paroisses dont elles dépendaient. Avec les prairies artificielles commence, au XVIIIe siècle, la lutte de la vaine pâture contre le pré particulier. Le propriétaire de pièces ensemencées en sainfoin doit obtenir arrêt pour chasser les bestiaux que ses voisins envoient journellement chez lui. Dès 1750, les règlemens de police rurale comprennent les luzernes et autres herbes fourragères parmi les terroirs qui sont toute l’année en « défens ».
Quoiqu’il reste, jusqu’à la fin de l’ancien régime, bien des paroisses où le droit de parcours subsiste dans son intégrité, où le sol est « en coutume générale », de jour en jour, dans l’ensemble du royaume, le domaine de la pâture vaine et vague se rétrécit. Un tribunal interdit, sous Louis XVI, à tous particuliers de posséder des bestiaux « sans avoir au préalable justifié qu’ils possèdent des pâtures suffisantes ». C’était proprement le contraire de l’ordre de choses préexistant. Peu à peu, par des ordonnances multipliées, malgré les communautés qui se rebiffent, les possesseurs de prés obtinrent de s’en réserver le regain, de ne plus les livrer au public qu’au moment où il n’y avait plus rien à tondre. Des arrêts du Conseil d’Etat accordèrent des privilèges au défrichement, à la mise en rapport des landes. Un édit de 1769, abolissant le droit de parcours en Roussillon et permettant d’enclore « les terres, champs et héritages », résume bien, dans son exposé des motifs, les idées toutes nouvelles des pouvoirs publics, soutenus ici, encouragés par l’opinion : « Le parcours, dit-il, qui à l’origine ne pouvait avoir lieu que dans les terres incultes ou dans les communaux, a été étendu par succession de temps à toutes les propriétés particulières. » — C’était, comme on vient de le voir, absolument faux ; loin de s’accroître, il avait diminué. — « De sorte que les héritages, qu’il n’est pas permis de clore, sont pour ainsi dire au premier occupant ; parce que les troupeaux, même ceux des simples tenanciers, jouissent de la faculté d’y entrer indistinctement. »
La vaine pâture ne disparut pas aisément, ni en France, ni dans le reste de l’Europe. Ce n’est que, depuis quelques années, par la loi du 9 juin 1889, que le droit de parcours, tel que l’entendaient nos pères, a été définitivement aboli ; il n’en subsiste plus que des vestiges. Il y a cent ans, quoique la révolution agraire fût nettement dessinée, le monde officiel n’était pas sans en appréhender l’issue : « Les défrichemens des pâtures ont enlevé beaucoup de subsistances aux animaux, dit un mémoire de 1788, le gouvernement trouverait aujourd’hui utile de les restreindre. »