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CHILI ET BOLIVIE
NOTES DE VOYAGE

I
LES SALPÊTRES D’IQUIQUE

Le Chili, cette étroite bande de terre qui se déroule entre les Cordillères et le Pacifique, depuis le détroit de Magellan jusqu’au Pérou, se divise en trois zones.

La région du sud, pluvieuse et froide, est couverte d’une extraordinaire végétation. On en défriche lentement les forêts vierges. La nature y est sauvage, mystérieuse et, dans les beaux jours, ensorcelante. Ceux qui visitent les environs de Valdivia, de Puerto-Monte et l’île de Chiloé, en reviennent émerveillés. Sans la pluie et la froideur des vents, on se croirait sous les Tropiques. Le voyageur y découvre à chaque pas des richesses inespérées : pâturages immenses, inextricables bois où l’on ne pénètre qu’à coups de hache, sources d’eau chaude où les derniers Indiens plongent leurs rhumatismes, fleuves qui serpentent, roulent, se précipitent sous de prodigieux entrelacemens de lianes et de verdure. Les forêts descendent jusqu’au rivage de l’Océan ; leurs ondulations semblent prolonger la houle des mers ; la rumeur du vent dans leurs branches se mêle au fracas merveilleux des lames. Pays fantastique et dont l’inconnu se peuple de légendes ! Il est presque inhabité. Les émigrations allemandes s’en emparent peu à peu. Puerto-Monte et Valdivia, colonies germaniques, prospèrent, deviennent des centres industriels. Plus haut Temuco, l’ancienne capitale de l’Araucanie, voit s’éteindre, dans