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sans surprendre ni l’opinion publique en Europe, ni aucun des gouvernemens intéressés ; l’Autriche elle-même était si bien édifiée qu’elle crut devoir prendre l’initiative des hostilités et envahir le Piémont.

Comment M. de Bismarck a-t-il engagé sa première guerre qui devait être bientôt suivie de deux autres plus sanglantes encore ? Après avoir séduit la Russie, il a abusé l’Angleterre ; il a tantôt défendu, tantôt méconnu, selon l’intérêt du moment, les droits de la Confédération germanique ; nous avons dit en quelles circonstances et à l’aide de quelles assurances, nous n’avons pas à y revenir. A quel titre et pour quelles nécessités a-t-il envahi et mutilé le Danemark ? Y a-t-il été contraint par le devoir de mettre la Prusse à l’abri de toute offense ? En possession des Duchés, le Danemark pouvait-il être un danger pour l’Allemagne ? Assurément non. En cette occasion, le gouvernement prussien a fait acte de conquérant sans plus de motif que n’en avait le grand Frédéric quand il s’est emparé de la Silésie ; l’exemple a paru à M. de Bismarck bon à suivre, et il s’y est employé sans plus de scrupule. On peut différer sur le mouvement italien et l’apprécier diversement ; on ne peut se refuser à reconnaître que les lois de l’histoire n’y ont pas été étrangères, que l’idée de l’affranchissement est, de beaucoup, antérieure aux publicistes comme aux hommes d’Etat qui l’ont reprise de notre temps, que les plus illustres penseurs d’autrefois l’avaient conçue, discutée avant eux et, en quelque sorte, infusée dans le sentiment public : elle avait fait explosion plus d’une fois, et avait été toujours comprimée. On ne saurait donc être surpris, si on veut surtout se souvenir qu’elle a été réveillée par un pontife, quelle ait germé de nouveau et qu’elle ait mûri sous la main d’un puissant esprit. Aucun précédent, aucune considération de même nature n’appelait les Allemands en Danemark. D’une part c’est la délivrance d’une domination étrangère que l’on poursuivait, de l’autre la conquête pure et simple, un agrandissement réalisé sans titres au préjudice du voisin.

Le programme de Plombières impliquait l’Italie libre des Alpes à l’Adriatique, à l’entière exclusion par conséquent de l’Autriche. Devant le réveil de l’Allemagne, devant la concentration des contingens fédéraux sur le Rhin, conduits par la Prusse, ce programme ne put être rempli. Déçu dans ses espérances, convaincu que la confédération italienne, du moment où l’Autriche en ferait partie pour la Vénétie, serait une conception livrée à l’influence de cette puissance, Cavour renonça à y prêter la main. Il déserta son poste, avons-nous dit, en renonçant au pouvoir. Mais bientôt, avons-nous ajouté, il se ravisa et il le reprit avec de nouveaux desseins. De ce jour, nous ne retrouvons plus le