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REVUE DRAMATIQUE

COMEDIE-FRANÇAISE : reprise de Montjoye, comédie en cinq actes, d’Octave Feuillet. — ODEON : le Capitaine Fracasse, comédie en cinq actes et sept tableaux, de M. Emile Bergerat, d’après le roman de Théophile Gautier ; Don Carlos, drame en cinq actes et onze tableaux, d’après Schiller, par M. Charles Raymond. — PORTE-SAINT-MARTIN : les Bienfaiteurs, comédie en quatre actes, de M. Brieux. — GYMNASE : la Villa Gaby, comédie en trois actes, de M. Léon Gandillot.

D’autres vous ont dit que Montjoye n’est pas une très bonne pièce et vous ont montré, ce qui était facile, que l’ « homme fort » de Feuillet n’est que du carton peint en fer. Toutefois je ne regrette pas que le Théâtre-Français ait eu l’idée imprévue de reprendre cet ouvrage. Car il m’a intéressé du moins comme un exemplaire moyen, éminemment représentatif, de la comédie sérieuse sous le second Empire, et aussi, justement, par ce qu’est devenu ce type moderne de l’homme fort dans l’imagination élégante et candide d’Octave Feuillet.

On a si bien cru à la corruption impériale, que l’expression est devenue un cliché : et, bien entendu, le théâtre passe pour avoir été à la fois l’un des signes et l’un des agens de cette corruption légendaire. Or, tandis que j’écoutais Montjoye et que j’y reconnaissais l’écho dotant d’œuvres de la même époque, j’étais amené à penser qu’un des caractères du théâtre sous le régime du Deux Décembre, c’est sa bonne volonté morale et c’est, finalement, son innocence. Et j’en dis autant du roman. Songez que Madame Bovary, et, beaucoup plus près de nous, Germinie Lacerteux sont les œuvres les plus brutales de cette période, et que les opérettes de MM. Meilhac et Halévy en sont sans doute les badinages les plus libres, et mesurez tout le mauvais chemin que, à cet égard, on nous a fait parcourir.

Si nous nous attachons à la comédie « sérieuse », ou à peu près, d’il y a trente et quarante ans, et si nous mettons à part le théâtre de Dumas fils, — dont, au reste, l’intensité de vie morale et par surcroît