La première période, avons-nous dit, a été consacrée à l’établissement du protectorat. Le général Duchesne, qui, au cours de l’expédition si hasardeuse dont la conduite lui avait été confiée, avait tout sauvé par sa ténacité, s’est montré homme de bon sens lorsqu’il s’est agi de tirer parti de sa conquête. Il ne s’est pas trompé sur l’étendue de celle-ci. Il s’est parfaitement rendu compte qu’elle se réduisait au palais de la reine, et que tout le reste du pays lui échappait. Il n’avait rien de ce qu’il lui aurait fallu pour s’en emparer et pour le dominer. Dès lors, la conduite à suivre lui aurait été dictée par les circonstances, si des instructions préalables n’y avaient pas déjà pourvu. Le général Duchesne était d’ailleurs entouré d’hommes qui connaissaient bien Madagascar, qui l’avaient longtemps habité, et qui étaient mieux à même que personne non seulement d’exécuter ses volontés, mais de les prévenir et au besoin d’y suppléer. M. Ranchot a été la cheville ouvrière de toute cette organisation. Il n’a pas eu la prétention de réformer du jour au lendemain le système administratif malgache, mais seulement de l’utiliser. Ce système était très simple, un peu primitif sans doute, mais en somme efficace. La base en est dans le village, qui a à sa tête les notables, les chefs de ferme, de culture ou de famille, ce qu’on nomme le fokolona. Ce conseil municipal très rudimentaire a un représentant exécutif, qui s’appelle le mpiadidy, lequel est en correspondance directe avec le petit ou le grand gouverneur. Dans les provinces voisines de Tananarive et qui composent l’Émyrne, le pouvoir central est représenté par les petits gouverneurs : il l’est par les grands gouverneurs dans les provinces plus éloignées, dont beaucoup ne sont encore que partiellement soumises. Les notables du village sont responsables de l’ordre ; ils surveillent les suspects, les dénoncent, les arrêtent. Ils collaborent avec les gouverneurs, petits ou grands, au prélèvement des impôts, et cumulent ainsi, pour employer des expressions françaises, les fonctions de sous-préfets ou de préfets avec celles de receveurs des finances. Si les chefs de village communiquent directement avec les gouverneurs, ceux-ci communiquent de leur côté avec le bureau central de Tananarive. La force de cette organisation est dans la responsabilité très réelle que le bureau central fait peser sur les gouverneurs et ceux-ci sur les notables du village : aussi, après quelques jours d’hésitation et de trouble, sentimens bien naturels à la suite de la terrible commotion qui venait de tout ébranler, a-t-on vu les renseignemens affluer comme auparavant à Tananarive, et même en quantité plus abondante. Le Malgache s’assimile très bien les mœurs administratives ; il serait même capable de les perfectionner, si c’est les perfectionner que de les appliquer de plus en plus aux minuties. La rentrée de l’impôt s’est effectuée dans des conditions de plus en plus normales : assez languissante au début, elle n’a pas tardé à reprendre son cours habituel, ou peu s’en faut. C’est