Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 138.djvu/387

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

apporter leurs ex-voto ; en bas, protégé par le promontoire, un port. Ils y installaient avec eux leurs divinités protectrices, Melqart, l’Hercule tyrien ; Astarté, et le souverain guérisseur, le dieu des incantations et des mystères, qu’ils sculptaient à la proue de leurs navires, le huitième des Cabires, Echmoun, dont les Grecs ont fait leur Esculape. De là viennent les innombrables Portus Herculis, Portus Veneris et les Asklèpieia qui bordent les côtes de la Méditerranée. Port-Vendres est un Portus Veneris ; Monaco s’appelait, de son nom complet, Portus Herculis Monœci, et les Grecs, ces grands inventeurs de mythes et d’étymologies séduisantes et artificielles, qui en connaissaient l’origine phénicienne, l’expliquaient par Hercule Monoïkos, c’est-à-dire Hercule qui n’a qu’un seul temple, le temple de Tyr. En réalité, le Portus Herculis Monœci est le « port d’Hercule qui donne le repos », en phénicien, Melkart Menouakh. Les îles, si nombreuses dans la Méditerranée, Icarie, Ébusus, Ithaque, Éthalie, Ænaria, Énarime, Enosim, Egylia, peut-être Égine, toutes commençant par le mot ei ou î, qui signifie « île » en phénicien, nous ont conservé le souvenir de ceux qui les premiers les ont colonisées ; Salamine, qui se retrouve dans l’île de Chypre et aux portes d’Athènes, est le mot propre en phénicien pour désigner un port, c’est le Havre de grâce.

De toutes les îles de la Méditerranée, Chypre est celle où l’influence phénicienne s’est fait le plus fortement sentir. L’épigraphie nous a permis de reconstituer l’histoire d’un royaume phénicien qui a occupé le sud de l’île, depuis le VIe ou le VIIe siècle avant notre ère. Au nord, dans la région de Lapithos et de Cérynie, des découvertes toutes récentes nous ont démontré l’existence d’un centre phénicien non moins important peut-être. Mais ; au-dessous de ces influences historiques, dont on peut déterminer la date, toute l’île est pénétrée par des influences plus profondes, qui ont laissé leur trace dans les noms de ses villes et de ses rivières et dans les cultes qui l’ont rendue célèbre par le monde entier.

C’est à Chypre qu’Astarté aborda, venant de la côte de Syrie ; les sanctuaires de Paphos et d’Idalie, où elle était adorée sous la forme d’une pierre conique, sont des sanctuaires sémitiques. De là, on peut la suivre dans ses pérégrinations jusqu’aux portes de la Grèce. L’île de Cythère, son séjour de prédilection, est tout imprégnée de souvenirs phéniciens. Là se trouvait le sanctuaire d’Aphrodite-Ourania, dont les Phéniciens avaient enseigné le culte aux habitans de Cythère ; ils leur avaient aussi enseigné l’art de teindre les étoiles en pourpre, et c’est à cette industrie que l’île doit son nom de Porphyrousa. Un de ses ports était appelé