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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 138.djvu/474

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volontaire aux vanités du monde, Gaston de Latour, quinze siècles plus tard, était forcément tenu à une foi plus précise. Il devait choisir entre le christianisme de Calvin et celui de Saint-Ignace ; et suivant qu’à la fin du roman il se convertissait au protestantisme ou revenait aux croyances où nous l’avons vu dans les premières pages, le sens et la portée du livre en étaient modifiés. Un auteur catholique n’eût pas été en peine ; un auteur protestant l’eût été à peine davantage. Mais Pater n’était, malheureusement, ni protestant ni catholique : partagé toute sa vie entre ses instincts d’artiste et ses habitudes d’Anglais, séduit par la beauté poétique du catholicisme sans pouvoir se résigner à la rigidité de son dogme.


Et l’ouvrage qu’il s’était proposé avait pour lui trop d’importance, on le sent, pour qu’il consentît à lui donner une conclusion de hasard. Dans l’histoire de Gaston de Latour c’était sa propre histoire qu’il avait incarnée, l’histoire de ses rêves, de ses déceptions, et des longs détours qu’avait suivis sa pensée. Les premiers chapitres du récit ont un accent si ému, les moindres traits y sont si justes et dessinés avec tant d’amour, qu’à tout instant, sous la transposition des temps et des lieux, nous devinons une forte part de souvenirs personnels. Gaston de Latour est la confession de Walter Pater, dans la mesure où un esprit si discret pouvait jamais admettre de se confesser. Et peut-être a-t-il attendu, pour reprendre et terminer son roman, d’être lui-même fixé sur la meilleure forme de cette foi religieuse, dont il voulait prouver la nécessité.


T. DE WYZEWA.