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fédération internationale. Ses amis voulaient, beaucoup plus simplement, profiter de l’occasion pour faire, comme au bon vieux temps, une manifestation anticléricale, ou même antireligieuse. Ils se rappelaient combien, dans le passé, la majorité de la Chambre avait montré de crainte, de pudeur effarouchée, d’appréhension électorale, en face de l’accusation de cléricalisme, et ils comptaient sur la persistance des mêmes sentimens pour amener la débandade au sein de la majorité actuelle. Il est toujours dangereux pour un parti de poursuivre plusieurs objets à la fois. M. Mirman tirait d’un côté, ses amis tiraient de l’autre et ont presque fini parle désavouer. M. Léon Bourgeois, que sa grandeur n’attache pas assez au rivage, et qui est devenu plutôt un jouet qu’un instrument entre les mains des radicaux impatiens de rentrer au pouvoir, M. Léon Bourgeois est intervenu dans le débat, et ne l’a ni redressé, ni relevé. On a vu les deux ministères aux prises, l’ancien et le nouveau, front contre front, s’escrimant à qui mieux mieux, celui-là pour remplacer celui-ci, et celui-ci s’efforçant de démontrer qu’il n’avait pas fait, à l’encontre des manifestations cléricales, autre chose que celui-là. Et, en effet, le péril clérical a paru être de telle sorte qu’il existe toujours, mais que les radicaux ne l’aperçoivent que lorsqu’ils ne sont pas au pouvoir : quand ils y sont, ils le traitent avec indulgence, au point de créer des précédens que leurs adversaires n’ont plus qu’à invoquer plus tard pour justifier la modération de leur propre conduite. À mesure que la discussion se prolongeait, elle paraissait moins sérieuse. Une seule chose était claire, à savoir que le ministère radical s’offrait pour reprendre le pouvoir aussitôt qu’on voudrait de lui. La Chambre a été mise ainsi en mesure de choisir entre M. Bourgeois et M. Méline. On aime toujours les questions bien posées : rien n’aide plus à les résoudre. Trois votes se sont succédé ; — nous épargnons à nos lecteurs le détail de ces chinoiseries parlementaires ; — le premier a donné au gouvernement une majorité de 78 voix, le second de 99, le troisième de 126. On ne sait où on serait allé s’il y en avait eu un quatrième. Tel est, en fin de compte, le résultat que les radicaux-socialistes ont obtenu. Se tiendront-ils pour éclairés sur les dispositions de la majorité ? Laisseront-ils à la Chambre quelques semaines de liberté pour discuter et pour voter le budget ? En un mot, la leçon qu’ils viennent de recevoir leur profitera-t-elle ? Nous voudrions l’espérer, mais nous n’en sommes pas sûrs. Peut-être faudra-t-il recommencer ? On recommencera.

De toutes ces interpellations, une seule avait une importance réelle, de la substance et du fond ; seulement par une fâcheuse déviation de la règle constitutionnelle, elle ne mettait pas en cause le ministère, mais bien M. le gouverneur général de l’Algérie. Tous les six mois on discute les affaires d’Algérie à la Chambre ; c’est beaucoup, et il y a dans la répétition incessante d’un débat qu’il semble impossible de