Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 138.djvu/543

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

belles chances, et s’en attristaient sans oser se plaindre. Comment, six ans plus tard, le conseil de l’école, usant d’un droit nouveau qu’il possédait depuis seulement la nomination de Comte, fut-il conduit à écarter cet examinateur modèle, en proposant pour le remplacer un jeune savant de grand mérite, dont les débuts, dix ans avant, n’avaient pas été moins brillans que ceux de Comte, et que dans son indignation il nommait cependant « un gamin sans expérience et sans valeur » ? Wantzel n’avait nullement songé à entrer en lutte avec son ancien maître, moins encore à briguer une place qui n’était pas vacante.

On a parlé, avec indignation, des haines, des injustices et des persécutions odieuses qui, dans sa « carrière polytechnique », ont contrecarré Auguste Comte, inspirées par les professeurs peu soucieux d’affronter une telle concurrence. Ceux qui parlent ainsi ont ignoré les détails de cette triste histoire, ou n’ont pas voulu les dire. Il faut les raconter avant de les juger.

Quatre fois, les conseils de l’école ont été accusés d’injustice. La chaire de professeur d’analyse et de mécanique étant devenue vacante en 1840, par suite de la nomination de Duhamel aux fonctions d’examinateur de sortie, Auguste Comte la réclama comme une récompense due à ses services, et au souvenir des leçons de 1836. La sympathie des élèves lui était acquise. Par une démarche sans précédent, qui jamais ne s’est renouvelée, ils envoyèrent deux délégués chez chacun des membres du conseil, solliciter en faveur de Comte. Sturm, présenté par le conseil de l’école et par l’Académie des sciences, méritait son double succès. Celui que Comte nommait son triste concurrent, son indigne rival, son étrange compétiteur, lui était très supérieur comme géomètre. Comme professeur, on alléguait en sa faveur la solidité de son enseignement au collège Rollin, les succès de quelques-uns de ses élèves, de Puiseux par exemple, qui, déjà presque célèbre, attribuait à ses excellentes leçons son goût précoce pour la science.

J’étais alors élève de première année. Les égards croissans témoignés aux élèves n’allaient pas jusqu’à les instruire des discussions engagées dans les conseils. En relisant cependant le premier volume du Cours de philosophie positive, allégué comme titre scientifique capital d’Auguste Comte, je puis deviner ce que ses adversaires ont dit, ou pu dire. Le seul mémoire de mécanique céleste présenté par lui à l’Académie des sciences, et que, prudemment il n’a pas publié, reposait sur un paralogisme. Les leçons de philosophie positive prouvent que Comte, quand il a écrit ce volume, ignorait les principes et l’histoire de la science