Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 138.djvu/545

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je copie textuellement, à la page 681 : « En considérant le principe de d’Alembert sous le point de vue le plus philosophique, on peut, ce me semble, en reconnaître le véritable germe dans la seconde loi fondamentale du mouvement établie par Newton sous le nom d’égalité de la réaction à l’action.

« Le principe de d’Alembert, en effet, coïncide exactement avec cette loi de Newton quand on envisage seulement un système de deux corps agissant l’un sur l’autre suivant la ligne qui les joint. Ce principe peut donc être envisagé comme la plus grande généralisation possible de la loi de la réaction égale à l’action ; et cette nouvelle manière de le concevoir me paraît propre à faire ressortir sa véritable nature en lui donnant un caractère physique, au lieu du caractère purement logique qui lui avait été imprimé par d’Alembert. »

Comte croit cette remarque assez importante pour y revenir trois fois. Il l’a énoncée déjà à la page 564, et y est revenu à la page 603.

Ce qu’il affirme avec tant d’insistance n’est pas exact. Une telle accusation, je ne l’ignore pas, est sans vraisemblance aucune. A qui fera-t-on croire que Comte puisse ignorer le principe de d’Alembert, et se tromper avec insistance sur une application des plus simples ?

Vraisemblable ou non, l’erreur est répétée trois fois dans un livre imprimé sur le manuscrit autographe d’Auguste Comte.

Répéterons-nous la phrase célèbre de Bossuet : « Il ne faut jamais abandonner les vérités une fois connues, quelque difficulté qui survienne quand on veut les concilier ; mais, au contraire, pour ainsi parler, tenir toujours fortement, comme les deux bouts de la chaîne, quoiqu’on ne voie pas toujours le milieu par où l’enchaînement se continue. » Elle est trop solennelle pour la circonstance. On ne peut pas proposer d’attacher solidement, aux deux extrémités d’une chaîne infinie, le savoir et l’ignorance d’Auguste Comte, démontrés tous deux. J’ai cherché et trouvé une explication.

Comte, en étudiant la Mécanique analytique de Lagrange, s’est habitué à considérer les liaisons dans un système matériel, comme remplacées par des équations abstraites entre les coordonnées des différens points. Il a cherché l’équation de liaison pour laquelle, le système se réduisant à deux points, les forces qui résultent de cette liaison sont dirigées suivant la droite qui joint les deux points ; il a résolu ce problème, et trouvé que l’équation doit exprimer que la distance des deux points est constante. Le principe de d’Alembert montre alors que les deux forces sont