Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 138.djvu/64

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
PSYCHOLOGIE DE L'ESPRIT FRANÇAIS
AUTREFOIS ET AUJOURD'HUI

Quand Descartes disait qu’il faut savoir se rendre justice à soi-même, pour les qualités comme pour les défauts, sa parole s’appliquait encore mieux aux nations qu’aux individus. Le fatalisme psychologique et historique sous toutes ses formes, principalement sous les plus décourageantes, voilà ce qui se répand de nos jours et ce qu’il importe de combattre. Est-il vrai que nous soyons condamnés, de par notre caractère national, à telle ou telle forme inférieure d’esprit, qui nous menace d’une déchéance plus ou moins prochaine ; ou, malgré des défauts et des vices qu’il ne faut pas se dissimuler, qu’il importe même de mettre en lumière, demeurons-nous, jusque dans notre « fin de siècle », assez bien doués par la nature et par la longue hérédité des âges pour avoir la possibilité, par conséquent le devoir, de nous maintenir haut ? La France, semble-t-il, est de ces nations qui doivent se souvenir que « noblesse oblige. »


I

Il est sans doute impossible d’enfermer un peuple dans une définition ; car un peuple présente non seulement des variétés individuelles, mais aussi des variétés provinciales et locales. Un Flamand ne ressemble guère à un Marseillais, un Breton à un Gascon. Peut-on nier cependant que, considérés en général et dans leur esprit collectif, les Français ont quelque chose de commun, qu’ils soient Flamands ou Marseillais ? Il y a un caractère national auquel participent plus ou moins les individus, mais qui