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rigoureux, la formation des mottes à l’automne n’entraîne pas de conséquences fâcheuses ; les agrégats de terre sont détruits par la gelée. Au moment où elle se solidifie, l’eau augmente de volume ; sa force expansive est plus que suffisante pour séparer les unes des autres les petites particules de terre entre lesquelles l’eau était interposée, la motte de terre tombe en poudre sous le moindre effort : la gelée mûrit les labours, disent les paysans ; et en effet, elle travaille pour eux en pulvérisant le sol infiniment mieux qu’ils ne pourraient le faire avec leurs instrumens.

Si au printemps la terre n’est pas bien ameublie, la situation est plus grave ; entreprendre à ce moment de nouveaux labours est dangereux ; si la terre est humide, on risque de reformer les mottes que l’hiver a partiellement détruites, et si la sécheresse survient, la terre restera en très mauvais état. Pour bien me rendre compte de l’influence fâcheuse qu’exerce un travail intempestif, j’ai fait labourer, en mars dernier, une terre préparée pour betteraves, et qui, de l’avis de l’habile praticien qui dirige les travaux de l’Ecole de Grignon, n’aurait dû recevoir, avant le semis, qu’un coup de herse et un roulage. Ce labour produisit un effet déplorable, des mottes se formèrent, les herses furent incapables d’en avoir raison, et tandis que la levée des betteraves se produisit régulièrement sur les terres qui n’avaient pas reçu de labour de printemps, elle fut partiellement manquée partout où la charrue avait passé.

L’époque du semis des betteraves est toujours difficile à choisir. On est serré entre deux écueils. Sème-t-on de bonne heure ? on s’expose à être obligé de recommencer les semailles, si une gelée tardive fait périr les jeunes plantes. Sème-t-on tard ? la sécheresse peut survenir et retarder la levée. Il y a là quelques semaines d’anxiété, on parcourt les champs, cherchant à voir apparaître les petites lignes vertes qui annoncent que la germination s’est produite.

C’est au printemps qu’on complète la fumure en distribuant les engrais chimiques solubles ; on répand de 150 à 300 kilos de nitrate de soude ou de sulfate d’ammoniaque ; l’emploi de l’un ou de l’autre de ces deux sels n’est pas indifférent ; si le nitrate de soude réussit partout, il donne sur les terres humides de moins bons résultats que le sulfate d’ammoniaque ; en revanche, ce dernier n’exerce qu’une faible action sur les terres sèches et devient nuisible sur les sols, à la fois secs et calcaires.

Presque tous les cultivateurs habiles ont renoncé à répandre exclusivement les engrais chimiques sur une partie du domaine et du fumier sur l’autre ; ils trouvent grand avantage aux fumures