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REVUE MUICALE

Reprises de Don Juan.

Voilà Don Juan remis non pas en question, mais au concours. Cette année comme il y a trente ans, « l’opéra des opéras » a été repris sur trois théâtres : le Residenz-Theater de Munich, l’Opéra et l’Opéra-Comique de Paris. Nulle part on n’a rien épargné. Don Juan est partout à l’honneur. Ce n’est pas faute d’avoir été, partout aussi, à la peine et même à la torture.

Les mésaventures de l’œuvre égalent peut-être en nombre les bonnes fortunes du héros. Du dramma giocoso de Mozart, on a fait tour à tour un opera seria, un opéra romantique, un grand opéra avec chœurs. Certaines versions méritent de demeurer légendaires : celle de l’Opéra de Paris en 1805, où le drame s’ouvrait par un récitatif de la composition de Kalkbrenner, précédant l’air de Leporello, lequel était suivi d’une romance de Don Juan à la Nuit, sous le balcon de Dona Anna. Le trio des masques était alors confié à des gendarmes, et, la scène se passant à Naples, une éruption du Vésuve détruisait le palais. Un autre Don Juan, représenté en 1815, à Laibach, comportait quelques rôles supplémentaires : quatre paysannes, un ermite, un négociant et un huissier. Le Commandeur répondait au nom de Pietro. Plus libre encore et plus hardi, Neefe, un Kapellmeister viennois, donna pour sous-titre à sa traduction : Tant va la cruche à l’eau, qu’à la fin elle se casse. Don Juan reçut alors le nom de Dans von Schwänkereich (en français, quelque chose comme Roger-Bontemps) ; Dona Anna devint Mlle Marianne ; Leporello, Fick-Fack, et le nom de M. de Fischblut (sang de poisson) fut attribué, peut-être avec plus de raison, au glacial Don Ottavio.

Des arrangeurs qui suivirent, Don Juan a souffert de moindres injures. Castil-Blaze même, en 1834, osa moins sur Don Juan que sur le Freischütz. Il osa pourtant. C’est lui qui délaya les deux actes en cinq ;