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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



29 novembre.


La Chambre des députés s’est enfin décidée à entamer la discussion du budget, non pas toutefois sans se permettre encore quelques distractions. Elle l’a commencée, puis interrompue, puis reprise. Elle paraît maintenant s’y appliquer avec un plus grand esprit de suite ; seulement, comme le budget touche à tout, on peut parler de tout à propos de lui, et c’est bien ce qu’on fait. La discussion du budget de l’Instruction publique, par exemple, a soulevé la question de savoir s’il ne convenait pas d’établir un parallélisme et une égalité absolus entre l’enseignement moderne et l’enseignement classique. C’est une importante question, et même une des plus graves que l’on puisse agiter ; mais elle n’est certainement pas à sa place dans un débat qui devrait rester financier et qui, par la force des choses, le redevient presque aussitôt. Les radicaux, toujours avec la même opportunité, ont voulu imposer au gouvernement l’obligation de laïciser dans un délai de deux ans toutes les écoles de filles. Quelque opinion que l’on ait sur ce point, le budget est un terrain mal choisi pour le débattre. Il n’y en a pas qui ait un caractère politique mieux tranché. L’opposition se tient ainsi en embuscade derrière un article quelconque du budget des dépenses, le plus inoffensif en apparence, et tout d’un coup elle se démasque et se précipite à l’assaut contre le gouvernement. Peut-être cela est-il de bonne guerre ; mais c’est une guerre qu’on ne fait qu’aux ministères modérés. Il y a un an, la situation était la même qu’aujourd’hui sur toutes les questions qui passionnent si vivement les radicaux et les socialistes ; ils avaient l’air de ne pas s’en douter ; ils votaient tout sans rien dire. C’est qu’alors ils étaient ministériels, et qu’ils sont maintenant antiministériels : on ne saurait croire combien un radical se modifie, et présente des états d’âme différens, suivant qu’il passe d’un rôle à un autre. Nous ne nous en plaindrions pas, tant le spectacle de ces métamorphoses est piquant, si, au moment de l’année où nous sommes, l’intérêt supérieur à tous les autres ne devait pas être de voter le budget avant le 31 décembre. Cet intérêt s’impose, malgré tout, aux radicaux eux-mêmes ; et il en résulte qu’après avoir posé incidemment une question, on la brusque en quelque sorte, au lieu de l’étudier tranquillement et de la résoudre. La Chambre