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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 138.djvu/859

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n’aurait pas réalisées. Il répondit aux conseils de coup d’État en les désavouant (22 juillet) à Ham, dans un discours qui, si les républicains n’eussent pas été sourds et aveugles de haine déraisonnable, les lui aurait tous gagnés : « Aujourd’hui, qu’élu par la France entière, je suis devenu le chef légitime de cette grande nation, je ne saurais me glorifier d’une captivité qui avait pour cause l’attaque contre un gouvernement régulier. Quand on a vu combien les révolutions les plus justes entraînent de maux après elles, on comprend à peine l’audace d’avoir voulu assumer sur soi la terrible responsabilité d’un changement. Je ne me plains donc pas d’avoir expié ici, par un emprisonnement de six années, ma témérité contre les lois de ma patrie, et c’est avec bonheur que, dans les lieux mêmes où j’ai souffert, je vous propose un toast en l’honneur des hommes qui sont déterminés, malgré leurs convictions, à respecter les institutions de leur pays. »

Il répète plus formellement encore les mêmes assurances à Tours (1er août) : « On a prétendu, on prétend encore aujourd’hui à Paris que le gouvernement médite quelque entreprise semblable au 18 brumaire. Mais sommes-nous donc dans les mêmes circonstances ? Les armées étrangères ont-elles envahi notre territoire ? La France est-elle déchirée par la guerre civile ? Y a-t-il 80 000 familles en émigration ? Y a-t-il 100 000 familles mises hors la loi par la loi des suspects ? Enfin, la loi est-elle sans vigueur et l’autorité sans force ? Non, nous ne sommes pas dans des conditions qui nécessitent de si héroïques remèdes. A mes yeux la France peut être comparée à un vaisseau qui, après avoir été bal lotte par les tempêtes, a trouvé enfin une rade plus ou moins bonne, mais où il a jeté l’ancre. Eh bien ! dans ce cas, il faut radouber le navire, refaire son lest, rétablir ses mâts et sa voilure, avant de se hasarder encore dans la pleine mer. Les lois que nous avons peuvent être plus ou moins défectueuses ; mais elles sont susceptibles de perfectionnemens. Confiez-vous donc à l’avenir, sans songer ni aux coups d’Etat ni aux insurrections. Les coups d’Etat n’ont aucun prétexte, les insurrections n’ont aucune chance de succès ; à peine commencées, elles seraient immédiatement réprimées. »

Mais les populations auxquelles il déclarait qu’il ne voulait point de coup d’État lui répondaient par de telles invitations à en faire un, et se livraient si entièrement à lui, que l’on persistait, malgré ses démentis, à croire ce coup d’État imminent. Lamartine avait beau écrire : « Après de tels discours toute défiance serait une injure, tout soupçon une calomnie. Si dans trois ans le pays trouve que la période de durée du pouvoir est trop limitée, la révision n’est-elle pas là ? Pourquoi alors demander au crime