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CHILI ET BOLIVIE
NOTES DE VOYAGE

III[1]
PULACAYO, HUANCHACA, LES MINES D’ARGENT


I

Dans le bureau des ingénieurs, à Pulacayo, j’ai vu, accroché à la muraille, le portrait au crayon d’un homme inoubliable : une figure longue, glabre, tirée par la misère et plus crevassée qu’une ravine après l’avalanche ; des yeux pochés, grands et tristes ; un nez vigoureux, dont les ailes amincies, déprimées révèlent la sensibilité endolorie ; et une bouche proéminente, volontaire, aux larges rides tombantes, une bouche de sanglot. C’est Ramirez, le Christophe Colomb des mines de Huanchaca. Il eut une étrange destinée. Vieil hôte du désert, infatigable chercheur d’or, il passa sa vie à fouiller les montagnes, toujours déçu, traînant son guignon et son espoir, et mourut pauvre sur des trésors qu’il lui avait été donné de découvrir, non d’exploiter. Seul ou presque seul de tous les blancs, il sut se faire aimer des Indiens : il vécut au milieu d’eux, respecté, protégé par leur affection silencieuse et quasi maternelle. Comme il travaillait dans une mine voisine de Huanchaca, et qu’il y était en butte aux animosités de ses associés, il vit un jour venir à lui une vieille Indienne, sorte de

  1. Voyez la Revue du 15 octobre et du 15 novembre.