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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 138.djvu/924

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le service de deux ans, en jouant le rôle de dépôts du temps de paix, et il n’était jamais entré dans l’esprit de ceux qui les proposèrent qu’on en dût faire des bataillons semblables aux autres. C’est cependant d’après cette donnée qu’ils furent jugés et universellement condamnés. On leur reprochait tout. Sacrifiés au point de vue de l’instruction, sans esprit de corps, sans cohésion par suite de leurs incessans changemens de personnel, on ne voyait en eux que l’impossibilité où ils étaient de marcher de pair avec les autres élémens actifs. La tendance militaire ne voulait plus transiger. De la mobilisation des troupes de seconde ligne il n’était plus question, non plus que d’alourdir les troupes de première ligne d’unités presque entièrement formées de réservistes ; dans une armée destinée toute à être jetée en première ligne ne pouvait figurer aucun élément inférieur, aucun élément qui ne fût d’un immédiat usage en première ligne.

Comme la consécration des faits suit de près en Allemagne le mouvement des idées, dès qu’elles touchent au domaine militaire, le 18 mai 1896, le général Bronsart de Schellendorf, ministre de la guerre, présentait un projet de loi supprimant les 173 demi-bataillons et les remplaçant par 86 bataillons complets, groupés en 42 régimens, réunis eux-mêmes en 19 brigades. Une loi du 28 juin dernier vient de sanctionner cette modification à la loi du 3 août 1893. Ce qui nous importe n’est pas de suivre le détail de cette nouvelle organisation qui nous semble, à bref délai, destinée à se compléter, pour revenir à son premier rôle régimentaire. Le côté intéressant est de saisir sur le vif la tendance des Allemands à rechercher la qualité, au lieu du nombre à tout prix, dans les forces qu’ils mettront en ligne, et rien ne l’indique plus nettement que le discours prononcé par le général Bronsart de Schellendorf à l’occasion de ce dernier projet.

Après avoir exposé que les commandans de corps d’armée avaient été unanimes à se prononcer contre les demi-quatrièmes bataillons, réclamant à leur place des unités de même valeur que les autres, aptes à marcher de pair avec celles-ci en temps de paix aussi bien qu’en temps de guerre, le ministre écartait la question du service de deux ans qu’on avait également soulevée et s’exprimait en ces termes : « Quant au service de deux ans, son application est de date trop récente pour qu’il soit possible de formuler un jugement à son sujet. Certes, sous son régime, l’instruction extérieure, apparente, et aussi l’instruction du tir, ne sont pas plus mauvaises qu’avec le service de trois ans. L’exercice, le maniement d’armes, la marche de parade sont aussi irréprochables qu’auparavant ; mais ce n’est pas avec cela que l’on gagne des batailles. » Revenant ensuite aux nouveaux régimens,