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sociétés ; mais il n’est point besoin d’un très long séjour aux colonies pour les voir apparaître. Pour conservateur qu’il soit, l’Anglo-Saxon l’est plus encore peut-être de la forme que du fond, et tout en en maintenant les dehors presque immuables, il laisse parfois les choses se modifier profondément. La situation respective des divers élémens du gouvernement anglais, le souverain, les ministres, la Chambre des lords et la Chambre des communes, s’est énormément altérée depuis deux siècles, sans qu’aucune loi écrite soit intervenue. De même, en se transplantant dans le Nouveau-Monde ou aux antipodes, bien des institutions ont changé de caractère, et ce changement s’est produit en partie à cause de la composition différente de la population. Outre que les colons se sont recrutés surtout, comme toujours, dans les couches moyennes et inférieures de la société anglaise, qu’en Australie la découverte des mines d’or a attiré beaucoup d’élémens démagogiques, la proportion des Écossais et des Irlandais est bien plus considérable aux colonies que dans le Royaume-Uni. Tandis que l’Angleterre propre et le pays de Galles contiennent plus des trois quarts de la population britannique, l’Irlande en comprenant à peine un huitième et l’Ecosse un neuvième, on trouve au contraire sur 100 personnes établies en Australie et nées dans la métropole, 57 Anglais seulement, 27 Irlandais, — plus d’un quart, — et 17 Écossais.

Au Canada, le contraste est peut-être encore plus marqué, et dans l’Afrique du Sud les Écossais, sinon les Irlandais, sont de même en proportion plus forte que dans le Royaume-Uni. Les statistiques religieuses mettent en évidence avec une grande netteté le nombre très élevé des Écossais et des Irlandais dans les colonies. L’Église anglicane, à laquelle se rattachent les deux tiers des habitans des îles Britanniques, n’a plus en Australie pour adhérens que les deux cinquièmes à peine de la population : moins de 1 500 000 sur 3 800 000. En revanche, il s’y trouve 800 000 catholiques, soit plus du cinquième, alors qu’il n’y en a pas un sixième dans la métropole, presque tous confinés en Irlande. Les presbytériens, presque tous Écossais, — l’Eglise établie d’Ecosse est presbytérienne, — sont près de 500 000, les méthodistes plus de 400 000, les Congrégationalistes, les Baptistes chacun 80 000, toutes proportions bien plus fortes qu’en Grande-Bretagne. Toute localité de 2 000 ou 3 000 habitans, en Australie, compte en général au moins quatre églises :