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dans le travail, l’épargne, le soin de leurs enfans, et que l’envie, le désir des biens d’autrui, sont contraires à l’ordre divin. » On évoquait, à l’appui de ces commandemens, un appareil disciplinaire ; on décidait que de temps à autre les surintendans rassembleraient les pasteurs pour régler leur attitude sociale ; tandis que le rescrit de 1890 avait allègrement stimulé les initiatives, celui de 1895 les soumettait à la surveillance méticuleuse de la bureaucratie d’Église ; tandis qu’en 1890 on avait eu foi dans la compétence des pasteurs, on paraissait en 1895 les réputer in-compétens ; et tandis enfin qu’en 1879 on avait attribué à toutes les classes et aussi, en quelque mesure, à l’Église, la responsabilité du mal social, les rédacteurs du rescrit de 1895 semblaient ne plus en reconnaître qu’une seule cause, l’esprit envieux des classes pauvres, et condamnaient toutes les tentatives qui devaient détourner l’Église de son but souverain : le bonheur des âmes. Par cette mercuriale ecclésiastique, on reculait de vingt ans.

Elle ne devait point demeurer lettre morte, et diverses mesures administratives le prouvèrent bientôt. M. le pasteur Wittenberg, défenseur trop ardent des travailleurs ruraux, fut congédié par la Mission Intérieure de Silésie. Un haut fonctionnaire ecclésiastique de cette province, se piquant d’appliquer le rescrit en « bureaucrate », contraignit les pasteurs de quitter une réunion d’études sociales dont les hardiesses étaient suspectes. M. Schultze, qui peu de temps auparavant avait à la conférence de Meissen défendu contre son collègue M. de Seydewitz une conception « naumannienne » des cercles ouvriers, et qui aggrava son délit en annonçant au cercle de Leipzig un discours de M. Naumann, dut contremander l’orateur et démissionner ; et pour en Finir avec certaines œuvres sociales, on éloigna des lieux où elles fonctionnaient les ministres qui les avaient instituées.

C’est par une explosion de larmes, d’ironies et de fureurs, que l’Église évangélique, au moins en certaines sphères, accueillit la palinodie des autorités suprêmes : douze mois ont passé, et l’émotion n’est point calmée. Voulant trouver une épithète adéquate à son courroux, la Christliche Welt reprochait au conseil suprême évangélique de se laisser engager dans des voies « catholiques » ; routine de style assez amusante, car la même feuille expliquait, par ailleurs, que jamais le catholicisme ne commettrait pareille maladresse : « Les vicaires romains souriront, gémissait-elle. Ils diront que leurs évêques, tout en exigeant la plus grande obéissance, leur laissent le plus large champ pour