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qui dure. Ce n’était, en somme, que feu de paille. Le cri de guerre poussé contre le Sénat n’a pas trouvé d’échos. Il y a sans doute, dans les départemens, des luttes de personnes très vives. Mais, à Paris, les grands journaux qui sont les voix autorisées des partis, se contentent de publier des chroniques électorales, parfois même avec quelque distraction, et s’abstiennent de ces polémiques ardentes qui entretiennent la fièvre et l’agitation dans les véritables veillées des armes. Ils s’abstiennent même, ce qui est pourtant l’enfance de l’art, d’annoncer le succès comme assuré et de l’escompter bruyamment. Cela veut dire sans doute qu’on ne s’attend pas à des changemens bien profonds dans la composition du Sénat. Le suffrage restreint est, par sa nature, moins impressionnable et moins changeant que le suffrage universel. Il reste immobile, comme le sol de la plage sous le flux et le reflux qui s’y jouent impétueusement dans les sens les plus opposés. Cela n’empêche pas le temps de faire son œuvre, et on sait, on croit savoir par avance qu’un certain nombre de départemens sont perdus ou gagnés ; mais cela se compense, et la physionomie générale du Sénat ne semble pas devoir en être sensiblement modifiée. Au reste, nous serons bientôt fixés.

De quoi donc s’occupe-t-on surtout, en cette fin d’année ? Du socialisme, et toujours du socialisme. Là est le véritable danger, et personne ne s’y trompe. Les querelles purement politiques perdent de plus en plus de leur intérêt. Les questions qui nous ont si violemment divisés autrefois sont réglées, pour longtemps en apparence, et ceux qui s’y attardent encore ont l’air de revenans d’un autre âgé. Les esprits plus alertes se tournent vers d’autres problèmes, plus graves encore peut-être et plus profonds, puisqu’ils touchent aux bases mêmes de la société. Problèmes qui n’ont rien d’imprévu, assurément. Vieux comme le monde, ils sont médiocrement rajeunis par la nouvelle manière dont on les présente et les habille. Une fois habitué au vocabulaire à la mode, on retrouve sous les mots et sous les systèmes du jour des sophismes qui remontent à la plus haute antiquité. Mais qu’est-ce que cela prouve, sinon qu’il s’agit d’une lutte éternelle, à laquelle il faut être toujours prêt. Bien que la question sociale, puisque c’est ainsi qu’on la nomme, n’ait pas toujours tenu la première place dans les esprits, elle n’en a été jamais absente ; elle y était hier, comme aujourd’hui ; mais, depuis quelque temps, elle est devenue particulièrement pressante et urgente. Cela tient à diverses causes, dont la principale est précisément que les questions politiques sont tranchées, et ont laissé dans les imaginations toujours en travail une large place