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la loi du 31 mai, elle se mit à la disposition de la Montagne parlementaire, qu’elle pressa de donner le signal de l’insurrection. Les parlementaires, qui craignaient également d’être débordés par la canaille démagogique et d’être châtiés par les soldats de Changarnier, répondirent que sans doute une pareille loi motivait et même exigeait une insurrection, mais qu’il fallait attendre 1852. Alors on se présenterait au scrutin en compagnie des trois millions d’électeurs exclus, avec un bulletin d’une main et de l’autre une arme de combat. La Nouvelle Montagne, n’ayant pas de chef accrédité, dut se résigner à cet atermoiement. Elle trouva ce chef dans Alphonse Gent, jeune homme intrépide et intelligent. Dès qu’il eut été acclamé dans un congrès à Valence par les délégués de quatorze départemens, il changea l’ancien signe de reconnaissance en celui-ci : « Suffrage universel », et il organisa incontinent une levée d’armes. Dans un nouveau congrès à Maçon (30 septembre), il obtint le concours d’un certain nombre de députés de la Montagne et l’on s’arrêta à ceci : à la rentrée des Chambres, les députés demanderaient le retrait de la loi du 31 mai. En cas de refus, on s’insurgerait ; des feux allumés sur les hauteurs donneraient le signal, et la montagne du Lubéron serait le point de ralliement.

Dans l’été et l’automne de 1850, à l’exception du groupe de Cavaignac, défenseur plus ou moins convaincu de la Constitution, tous les partis conspiraient donc contre elle. Les uns sans trop savoir où ils allaient ; les autres pour ramener le roi ; Changarnier pour obtenir une dictature prétorienne ; les révolutionnaires pour rétablir la Constitution de 1793 ; les socialistes pour opérer la liquidation sociale. À ce spectacle, l’optimisme de Lamartine se, trouble. Jusque-là il n’avait cessé de dire : Confiance ! pour la première fois, il crie : Conspiration ! Les observateurs étrangers s’alarment. Cavour écrit : « Tous les jours davantage je me sens dégoûté de la France. Je commence presque à lui préférer l’Autriche. J’éprouve surtout une aversion croissante pour le parti légitimiste : je serais fort embarrassé si j’avais à choisir entre eux et les rouges[1]. »

Dans ce déchaînement de conspirations et d’intrigues, seul le Président ne conspire ni n’intrigue : obstiné à la défensive, il se contente de parer les coups. A la menace du complot de la

  1. Lettre du 10 septembre 1850.