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complexe et inextricable qu’on a vainement tenté de dénouer jusqu’à présent. En 1876, une insurrection éclata en Bosnie et se propagea dans les provinces limitrophes ; pour la comprimer, la Porte eut recours à une répression impitoyable. Après de vains efforts pour y mettre fin, auxquels participa la diplomatie de toutes les puissances, la Russie intervint ; elle déclara la guerre à la Turquie qui fut réduite à signer la paix de San-Stefano. Ce traité restituait à l’empire moscovite la haute position qu’il avait perdue en Orient. Les jalousies se redressèrent incontinent ; et au congrès de Berlin, l’Angleterre et l’Allemagne réunies infligèrent à la Russie une mortelle humiliation en la dépouillant de la plupart des avantages qu’elle avait arrachés à la Porte vaincue.

Aucune des puissances intéressées cependant ne s’était, à aucune époque, dissimulé que cet état de choses dérivait des vices organiques de l’administration ottomane ; dans cette conviction, nul ne méconnaissait l’impérieuse nécessité de corriger ses traditionnelles imperfections, cause permanente de sa faiblesse, de son impuissance à prévenir ou à réprimer les désordres et les révoltes dont la Turquie, depuis plus d’un demi-siècle, donnait périodiquement le spectacle à l’Europe alarmée. On fut donc unanime, avec plus ou moins d’empressement, pour l’aider à se relever de sa détresse. Dans des conventions, successivement renouvelées, les puissances prirent l’engagement réciproque de respecter les possessions du sultan ; elles offrirent, d’autre part, à la Porte de l’aider, par voie de conseils ou d’assistance, à réformer ses institutions civiles et sociales.

C’est ainsi que, dans la plupart des traités qui ont prétendu régler la question d’Orient, les puissances signataires ont stipulé l’intégrité de l’empire ottoman. En 1840, dans l’acte qui a mis fin à l’affaire d’Egypte, les parties contractantes « voulant attester leur accord en donnant au sultan une preuve manifeste du respect qu’elles portent à l’inviolabilité de ses droits souverains… ont résolu… de constater en commun, par un acte formel, leur détermination unanime de se conformer à l’ancienne règle de l’empire ottoman, d’après laquelle le passage des détroits des Dardanelles et du Bosphore doit toujours être fermé aux bâtimens de guerre étrangers, tant que la Porte se trouve en paix. » Au congrès de Paris, réuni en 1856, pour arrêter les conditions de la paix après la guerre de Crimée, dans une occasion, par conséquent bien solennelle, les plénipotentiaires « déclarent la Sublime Porte admise à participer aux avantages du droit public et du concert