qu’elle l’eût sollicité continuellement pour rompre la chambre de ses filles. La scène fut vive et désagréable pour Monseigneur. Laissons parler Sourches : « Le Roi rendit justice à madame la Dauphine, ce qui embarrassa beaucoup monseigneur le Dauphin, mais il le fut encore bien davantage quand le Roi voulut savoir de lui qui lui avoit persuadé une chose si contraire à la vérité. Il ne put soutenir la majesté d’un si grand Roi, ni résister au respect d’un aussi bon père que le sien, et il lui avoua franchement que c’étoient quelques-unes des filles qui lui avoient jeté ce soupçon dans l’esprit, et le Roi, le prenant sur ce ton de maître qui lui étoit si naturel, dit à madame la Dauphine que, puisque ces demoiselles en avoient si mal usé avec elle, il ne vouloit pas qu’aucune couchât dans sa maison. De ce moment la chambre fut rompue et monseigneur le Dauphin eut bien de la peine à obtenir du Roi qu’il mît Mlle de La Force auprès de madame la duchesse d’Arpajon[1]. »
Cette princesse, habituellement douce et résignée, ne manquait pas, à l’occasion, comme on vient de le voir, d’une certaine fierté. Elle n’entendait pas laisser porter atteinte à son rang. On en eut la preuve lorsqu’une de ses filles d’honneur, la charmante Sophie de Lowenstein, épousa à Versailles le marquis de Dangeau, l’auteur des inestimables Mémoires. Sophie de Lowenstein était nièce du cardinal de Furstenberg. et appartenait par son père à la maison de Bavière, mais à une branche issue d’un mariage morganatique dont les descendans n’avaient jamais eu que rang de comte. Les fiançailles avaient eu lieu dans le cabinet même de la Dauphine et avec son agrément. Mais quand elle apprit le lendemain du mariage que le curé de Versailles, en s’adressant à la nouvelle marquise de Dangeau, l’avait appelée Sophie de Bavière, et que son acte de mariage était signé de ce nom, elle entra dans une violente colère, se plaignant avec éclat de l’affront qui était fait en sa personne à la maison de Bavière. Il fallut que le Roi allât trois fois chez elle dans la même journée pour l’apaiser. Elle ne se calma qu’après que le cardinal de Furstenberg fut venu en personne lui demander pardon au nom de sa nièce, et reconnaître qu’elle avait eu tort, n’étant point Bavière, mais Lowenstein. La Dauphine, dans sa colère, s’était fait apporter le registre des actes de mariage où sa fille d’honneur avait signé Sophie de Bavière. Elle le voulait déchirer ou brûler. Il fallut l’arracher de ses
- ↑ Mémoires de Sourches, t. II, p. 127.