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baron de Courcel a été chargé d’en donner connaissance à lord Salisbury. Notre ambassadeur était invité à se concerter avec ses collègues afin d’assurer la réalisation prompte et complète des réformes promises et nécessaires. Il lui était prescrit de tenir le langage qui serait le plus propre à donner au sultan le sentiment exact des graves conséquences auxquelles il s’exposerait s’il ne tenait pas compte du vœu unanime des puissances, et s’il rendait ainsi inévitable une intervention de l’Europe. L’hypothèse de cette intervention n’était donc pas écartée, mais elle n’était plus regardée comme un préambule indispensable à tout programme de réformes. M. Hanotaux se contentait de poser trois principes qui devaient présider à tout travail et, au besoin, à toute action en commun. Ce sont les suivans : 1° l’intégrité de l’Empire ottoman sera maintenue ; 2° il n’y aura d’action isolée sur aucun point ; 3° il ne sera pas établi de condominium. Ces trois points sont conformes aux traditions et aux intérêts de la politique française en Orient. En les précisant à nouveau, M. Hanotaux donnait une direction, et aussi des limites, au travail que les ambassadeurs allaient entreprendre à Constantinople. Il a exprimé un dernier avis, à savoir que les réformes devraient s’appliquer, sans distinction de race et de croyance religieuse, à toutes les populations de l’Empire. Nous avons déjà vu quelque chose de semblable dans la réponse faite à la circulaire anglaise par le gouvernement allemand. Non pas qu’une suggestion de ce genre soit originairement venue de l’Allemagne, pour être ensuite acceptée par les autres puissances, et notamment par nous. On s’était demandé plusieurs fois déjà pourquoi, au moment de l’histoire où nous sommes, l’Europe, lorsqu’elle traite des affaires d’Orient, ne porterait ses préoccupations que sur les populations chrétiennes. La question avait été posée par M. Denys Cochin dans son interpellation du 4 novembre. Est-ce que les populations ottomanes ne seraient pas dignes, elles aussi, de notre bienveillance ? Est-ce qu’il ne serait pas légitime, quand on fera des réformes, d’admettre tout le monde à en bénéficier ? De plus en plus, les différences de race et de religion s’effacent aux yeux de l’Europe pour faire place à des considérations d’un autre ordre. Cependant, nous ne pouvons pas oublier que les catholiques d’Orient sont vis-à-vis de nous dans une situation spéciale, puisqu’ils forment notre clientèle historique et que nous sommes leurs représentans et leurs protecteurs. Lorsqu’ils réclament notre appui, ce n’est pas seulement une question d’humanité qui se pose, mais une question politique. C’est pourquoi, si nous demandons que les réformes que nous obtenons pour