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prussienne, et il intervient en faveur du peuple hessois. Deux corps de troupes s’avancent presque simultanément dans la Hesse. Les Bavarois venus du sud entrent à Hanau, les Prussiens, descendus du nord, occupent Fulda et marchent sur Cassel.

Nicolas réprouve l’intervention prussienne ; toute résistance aux mesures de la Diète de Francfort lui est une offense personnelle qu’il ne tolérera pas. La Bavière et le Wurtemberg contractent avec l’Autriche une alliance offensive et défensive. Une armée de 200 000 hommes se prépare. Schwarzenberg, ses derrières ainsi assurés, somme les Prussiens de s’arrêter, leur promettant de respecter leurs routes d’étapes, et d’évacuer le pays dès l’arrangement du conflit constitutionnel.

Un conseil extraordinaire se réunit aussitôt à Berlin. Radowitz, appuyé par le prince de Prusse, dit qu’il ne s’agit pas de discuter si les prétentions prussiennes sont ou non fondées. Ne le fussent-elles pas, il n’y a plus à délibérer ; la question d’honneur est posée ; reculer devant une menace serait une tache à l’écusson. — Négociez encore, si vous le voulez, mais en armes après avoir mobilisé toute l’armée. — Le ministre de la guerre, Stockhausen, combat cet avis : — Nous ne sommes pas prêts, notre armée n’est pas en force d’affronter seule l’Autriche grossie des États moyens, soutenus par la Russie ; en plus de quinze jours nous pourrions à peine réunir 70 000 hommes entre l’Elbe et l’Oder et nous en aurons devant nous 150 000. — Et pourquoi nous battrions-nous, ajoute Brandebourg ? Ne voulons-nous pas comme l’Autriche que l’alliance du 26 mai soit définitivement abandonnée ; que la Hesse soit soumise et le Holstein pacifié ? Nous battrions-nous pour savoir si l’ordre également désiré des deux côtés sera rétabli par la Diète ou par nous ? Cela vaut-il de risquer notre prestige national dans une guerre sans espoir ? Je n’accepte pas cette responsabilité. — Cette opinion prévalut dans le conseil.

Qu’allait décider le roi ? Radowitz le supplia de ne pas fléchir. Le roi, ému, se promenait sur la terrasse de Potsdam avec agitation, en proie à de violentes perplexités. Il se tut longtemps ; enfin, les larmes dans les yeux, il répondit à son conseiller consterné : « Non, je ne puis faire la guerre à l’Autriche, les os de la reine Louise frémiraient dans leur tombe. » Il enveloppa sa résolution de recul d’un constitutionnalisme inusité. Il dit à ses ministres : « Je ne partage pas votre manière de voir, et je souhaite que vous n’ayez jamais à la regretter ; cependant je m’y