concentre ses affections. Je n’aimerai plus la Beauce ; et l’Angoumois m’ennuie déjà, depuis un immense quart d’heure que je l’habite.
Dites à monsieur votre père, je vous prie, que j’adopte sa théorie. On est du pays où l’on est né et où l’on a été remué dans son premier berceau.
Madame votre mère a aussi bien raison ; j’aurai beaucoup à voir encore, beaucoup à demander : je ferai mourir de chagrin les archéologues par mes questions.
Je ne croirai jamais que la tour de Tristan tienne son nom du scélérat de Louis XI, mais du Tristan d’Yseult aux blanches mains, du Tristan de la Table ronde ; et je défendrai cette opinion avec la rage des savans des inscriptions. Qui songe à ce roman du moyen âge ? Personne ; et il est délicieux.
Je suis ravi de n’avoir pas trouvé un éléphant à louer ; je suis arrivé vite, et reviendrai vite à Tours, pour me disputer avec vous. — Si vous avez trouvé mon cheval gris, dites-moi, je vous prie, quelle est la page du livre qui lui sert d’écurie. — Peut-on mettre jamais assez d’humilité à se corriger de ses défauts ? Vous m’y trouverez toujours préparé, lorsque vous m’aurez révélé mes iniquités, et j’espère que ce vent de folie qui souffle sur la Touraine voudra bien m’épargner ; si je croyais le contraire je me déclarerais Beauceron, comme fit Ronsard.
Vous saurez que mon adresse est au Maine-Giraud, Blanzac, Charente. Je vous dis cela seulement en cas de grands événemens, et pour que votre grâce sache bien qu’elle a dans ce pays un parent assez triste et qui n’en veut pas avoir l’air. Dans bien peu de temps je vous le ramènerai.
ALFRED DE VIGNY.
Paris, mercredi 8 mars 1848.
Il n’y a rien de plus charmant que vous dans la création, et rien de plus haïssable que moi. Il est vrai que, si je suis silencieux (mon seul crime envers vous), c’est à force de tristesses et d’ennuis. Quand vous m’avez dit : « Etes-vous malade ? » je ne l’étais pas ; mais j’étais, comme cette nuit encore, garde-malade de votre bonne et toujours souffrante cousine. Elle avait une fluxion de poitrine de la plus effrayante nature. Andral, après Dieu, est celui qui l’a sauvée, dans de nombreuses consultations avec d’autres médecins, mais aujourd’hui encore elle est au lit et de nouveau