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Président à l’impossibilité de gouverner en renversant successivement ses ministères extra-parlementaires et en l’empêchant d’en former un dans l’Assemblée. Sur ses conseils Malleville refusa. Odilon Barrot, par la faute des parlementaires, dut renoncer à constituer un cabinet parlementaire.

Ses adversaires poussaient de leur mieux le Prince hors de la Constitution. Lui, s’entêtant à n’en pas sortir, appela encore un parlementaire, Léon Faucher. Celui-ci consentait à défendre la révision, mais continuait à se refuser à toute modification de la loi du 31 mai. Le Président se résigna à ne poursuivre pour le moment que la moitié de son programme. Néanmoins les manœuvres de Thiers n’eussent pas permis à Léon Faucher de réussir plus que Lamartine, Billault, Odilon Barrot, si Victor de Broglie, toujours clairvoyant, ferme et désintéressé dans ces crises sans fin, prenant d’autorité le mandat qu’on ne lui offrait pas, ne s’était donné à lui-même la tâche d’assurer la formation d’un cabinet. Léon Faucher ne voulait pas consentir à adjoindre à son ami Buffet quelques-uns des anciens ministres notoirement compromis avec l’Elysée, Baroche, Rouher, Achille Fould. Victor de Broglie lui fit comprendre qu’il était habile de s’annexer les seuls personnages qu’on pût redouter comme successeurs. Le Président comprit aussi l’intention. « On a voulu, dit-il en lisant la liste, me faire mettre tous mes œufs dans le même panier. » L’introduction de Baroche et de Rouher n’en a pas moins été présentée comme une machination ténébreuse, comme un défi jeté à l’Assemblée.

L’époque à laquelle on pouvait constitutionnellement provoquer la révision était arrivée. C’est pour l’obtenir que le Prince manœuvrait, patientait depuis près de trois ans. Son attente serait-elle déçue ? Nous voici parvenus à la crise décisive.


Emile Ollivier.