en paix. Ils nous apprennent à répéter sans cesse : Qu’est-ce que la vérité ? Mais toi, tu la tiens entre tes mains ; elle est tout entière dans ton livre. »
Et voilà les impressions variées, qu’un touriste capable d’en avoir recueille abondamment le long de son chemin. Quoi qu’il en dise, M. Seippel est enchanté d’avoir fait le tour du monde ; s’il affecte de rabaisser le métier de touriste au long cours, c’est qu’il veut s’en réserver le bénéfice ; il crache dans le plat pour en dégoûter les autres. Ce ne sont pas seulement les curieux tels que lui qui devraient en tâter. Il faut recommander les pérégrinations lointaines aux paresseux dont cet exercice dégourdira l’indolence, aux cerveaux moisis qu’il rafraîchira, aux routiniers à qui les choses insolites causeront de salutaires étonnemens.
Je ne vois guère que le sceptique qui n’ait rien à gagner à se faire globe-trotter. La diversité des mœurs, des coutumes, des principes de conduite, le spectacle des contradictions humaines réjouiront sa malignité. Il reviendra de son pèlerinage avec quelques doutes de plus, et il a déjà assez de souris dans son grenier ; celles qu’il pourrait rapporter de chez les hommes jaunes achèveraient de manger le peu de grain qui lui reste. Tout au contraire, l’intolérant se trouvera bien d’avoir vu une fois au moins l’envers de ce globe. Il fera connaissance avec le bonze shintoïste du jardin des Bouddhas et au retour avec la barbe blanche du vieux cheik de la mosquée El Azhar. Il verra que ce cheik comme ce bonze ont soumis leur raison superbe à ce qu’ils considèrent comme une sagesse divine, et qui n’est à ses yeux qu’une ridicule extravagance. Mais après avoir constaté que très convaincus, très sûrs de leur fait, ils se servent de leurs erreurs, de leurs chimères pour vivre sagement et honnêtement, s’il n’apprend pas à se défier de ses propres certitudes, il apprendra du moins à devenir plus indulgent aux certitudes d’autrui, ce qui est la première des vertus sociales.
G. VALBERT.