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maison bâtie aux environs de l’Arc-de-Triomphe s’en va maintenant à deux lieues de là, à Gennevilliers, et le charretier arrive à faire cinq tournées chaque jour. Le prix de 3 francs à 3 fr. 50 par mètre cube, payé pour le transport, suffit à rémunérer les maîtres-terrassiers, parce que le plus grand nombre utilisent les voyages de retour, pour apporter à leurs cliens le sable et les cailloux de carrières qu’ils exploitent dans la banlieue.

Notre sol, à la profondeur des caves, est très souvent incapable de porter les fondations. Tantôt on rencontre l’eau en abondance, comme dans tout le quartier Saint-Lazare ; il faut alors « battre des pieux », enfoncer avec un mouton de 300 kilos des pièces de chêne, aux extrémités garnies de fer, qui porteront les murailles. Le Palais de l’Institut est ainsi entièrement suspendu sur des pilotis que le temps a rendu noirs comme de l’ébène. Sur la rive gauche, pour trouver le bon sol, on doit descendre parfois jusqu’aux catacombes ; ce fut le cas pour la mairie du Panthéon. La pose d’énormes blocs dans des puits perforés à une grande profondeur était un travail dangereux et bien lent, lorsqu’on l’exécutait naguère avec des chèvres, à leviers actionnés par huit ou dix hommes.

À Montmartre, dont le terrain factice n’offre aucune garantie, il est nécessaire d’établir sur toute la largeur du bâtiment, avant de poser la première pierre, un béton de 1m, 50 d’épaisseur. Partout où se trouve un banc d’argile, comme sur la colline de Passy, on a soin de le percer d’outre en outre, seul moyen d’éviter les glissemens. Ces substructions sont fort onéreuses ; celles de l’église grecque, élevée récemment dans la rue Bizet, ont coûté le sixième de la maçonnerie totale. Dans les campagnes, où cette précaution est généralement omise parce qu’elle entraînerait trop de dépense, on a vu des villages, posés sur des rampes de glaise, descendre tout entiers dans les vallées. Un système économique et dont la solidité ne laisse rien à désirer consiste, pour ce qu’on nomme les « basses fondations », à créer une sorte de viaduc en reliant, par des arcatures de meulières et de ciment, les puits de béton creusés aux intersections des murs. Si le sol naturel est « vierge », formé de tuf ou de sable, — car, malgré la parabole de l’Écriture, il n’est pas mauvais ici de bâtir sur le sable, — on se contente de garnir, en mortier de chaux hydraulique, des rigoles de 60 centimètres sur lesquelles on construira.

Avec quels matériaux ? Ceci dépend des logis projetés, très