desquels fonctionneront les treuils. Une journée suffit pour hisser ces pylônes, sceller leurs pieds dans des trous d’un mètre de fond, et les « habiller » du haut en bas, avec les solives transversales clouées en croix de Saint-André, qui les rendent solidaires et maintiennent leur écartement. Les planteurs de sapines forment aussi une classe à part dans le bâtiment ; ils se livrent exclusivement à cette besogne ; quand elle leur manque, ils se reposent. Ils aiment leur métier : l’un d’eux, que ses soixante ans sonnés n’empêchent pas de grimper comme un chat et de manœuvrer à vingt mètres en l’air, accroché à des poutres branlantes, avec une placidité imperturbable, me déclare qu’il lui répugnerait absolument de travailler dans un lieu sombre ou renfermé ; il montera au contraire aussi haut que l’on voudra, à la condition d’avoir de l’air et du jour.
Les « binards », chariots bas qui transportent la pierre dans nos rues, se composent de deux planchers séparés par des rouleaux. Un engrenage permet au conducteur de décharger son fardeau en laissant glisser le plancher supérieur, qui vient s’engager tout seul entre les jambes de la sapine. Jadis, pour monter chaque pierre à la chèvre, on devait fixer dedans au préalable un anneau de fer, la « louve », enfoncé de 8 ou 10 centimètres, longuement serré et scellé, dans lequel on passait le cordage. Aujourd’hui des doubles filins de chanvre, d’une qualité supérieure, — les brayets, — embrassent simplement le bloc. Un coup de pouce à la manivelle du treuil, la roche tressaille, se balance indécise et s’élève lentement, attirée par la chaîne de fer qui s’embobine sur sa poulie avec un tic tac monotone.
Elle s’arrête un peu au-dessus du mur où les « bardeurs » attentifs, qui la guettaient, l’empoignent et l’assoient sur les petits bâtonnets qui faciliteront l’achèvement de son voyage. Une « équipe à recevoir » se compose de trois bardeurs, commandés par un « pinceur ». Celui-ci gouverne le morceau avec sa barre de fer, les autres le poussent et le convoient. Ces hommes doivent être adroits, obéissans et très forts ; les Allemands, avant 1870, réussissaient à merveille dans cet emploi où ils étaient nombreux. Sur cet étroit chemin un rouleau mal engagé suffit à faire virer la pierre et peut causer des catastrophes.
Parvenu à destination, le bloc est, en termes de métier, « sur baguettes » ; le pinceur n’y touche plus ; son chef immédiat, le « poseur », qui a sous ses ordres trois ou quatre équipes, s’en